Lorsque la porte de ses quartiers se referma dans un bruit feutré, le corps d’Oryel s’affaissa. Malgré les soins de la Nautolan pendant leur voyage jusqu’à Tatooine, les muscles de l’Arkanien étaient perclus de douleur. Il n’avait plus aucune sensation ni dans ses mains, ni dans sa poitrine et il pouvait sentir qu’à chacun de ses mouvements, des lambeaux de peaux mortes se détachaient un peu plus. C’est le dos voûté, pliant sous le poids d’une souffrance invisible, que le guerrier noir se dirigea vers la salle d’eau. Son casque fut le premier à tomber sur le sol, puis vinrent ses gants et sa cape. Les deux mains calcinées de l’apprenti attrapèrent ensuite son plastron et retirèrent son pantalon. Le frottement de ses vêtements arracha d’innombrables pellicules de chair nécrosées par l’utilisation intempestive de la Magie Sith. Le visage autrefois inaltéré du clone, portait désormais les stigmates de ses nombreux affrontements et son expression faciale affichait un air tourmenté.
Une seconde porte coulissa, laissant échapper un nuage de vapeur. L’air froid de la pièce, entrant en contact avec la température ambiante des appartements créait une telle condensation qu’il n’était plus possible de voir à l’intérieur. Oryel s’enferma à l’intérieur de l’antichambre glacée et posa ses deux yeux d’or sur la baignoire. Son héritage génétique lui permettait de distinguer parmi d’innombrables nuances de violet, l’azur bien-aimé des températures négatives. Sans un son, pas même un gémissement d’appréhension, le clone plongea son corps supplicié dans ce bain de glaçon. Il devrait y rester pendant plusieurs heures, se plongeant dans une méditation profonde qui devrait guérir les maux de la chair et de l’esprit.
Un jeune Evocii apparut sur un petit hologramme à quelques centimètres de la porte d’entrée. Oryel avait pris le temps de revêtir sa carapace Sith avant de lui répondre, pour rien au monde il n’aurait souhaité montrer à quiconque ses faiblesses physiques.
« … la, la prisonnière Nautolan… »Laissez-la entrer et disparaissez.
Sa voix monocorde ne laissait place ni à la discussion, ni à la désobéissance. L’Evocii obtempéra donc, non sans afficher quelques doutes vis-à-vis de ce qu’il faisait. Il avait parfaitement conscience de transgresser les directives de Grakkus en livrant au guerrier noir l’ami du Jedi. Mais d’un autre côté, il lui semblait parfaitement cohérent d’agir de la sorte. Comme si c’était ce que le Hutt attendait de lui, comme s’il s’agissait d’un service qu’il lui rendait... oui, c’était ce que Grakkus voulait, il en était sûr, il en était persuadé. Alors pourquoi cette impression étrange ?
« Monstre… »Epargne-moi les poncifs habituels Merar, je suis un Sith.
« Qu’attendez-vous de moi ? »J’ai un marché à te proposer…
La Nautolan a la peau rouge sembla afficher un air méfiant, mais Oryel n’y prêta que peu d’attention. Son esprit était rivé sur une suite d’idées qui devait servir les sombres desseins de son Maître et la jeune alien deviendrait la pierre angulaire de ses plans. Pour cela, il lui faudrait la convaincre de trahir le Jedi qu’elle considérait probablement comme un ami. Une tâche ardue mais pas impossible pour qui sait presser les bons leviers. Fort heureusement, l’Arkanien en connaissait quelques-uns, particulièrement efficaces.
Ensemble, nous pouvons sauver Dashel Nelievar d’une mort certaine.
Cette fois-ci il en était certain, le visage de Merar s’était déformé pour adopter une moue de stupeur. Il s’attendait évidemment à ce genre de réaction. Nul n’aurait parié sur l’âme charitable d’un Sith et pourtant, celui-ci était tout à fait sérieux. Oryel Dagon était prêt à voler au secours d’un Jedi mais en échange… il réclamait une trahison.
Ton petit Jedi est condamné, Grakkus ne le laissera jamais quitter Tatooine vivant, ni toi d’ailleurs. Je suis votre seul espoir et tu le sais pertinemment…
Derrière son casque, un sourire invisible grandissait lentement sur le visage impassible du clone. Chacun de ses mots était un poison qu’il distillait au compte-goutte dans l’esprit de la Nautolan. Lorsqu’il en aurait fini avec elle, l’alien tomberait sous sa coupe et lui serait fidèle. Qu’elle le veuille ou non.
Je peux maquiller votre mort et vous faire quitter cette planète sans craindre les représailles du Hutt. En plus de sa vie, c’est un nouveau départ que j’offre à ton Jedi…
« Et je suppose que tout ceci à un prix !? »Le rictus s’étira jusqu’à déformer son fasciés dans une grimace écœurante. Sa main tendit alors un petit holotransmetteur en direction de son interlocutrice, avant de répondre dans un souffle.
Ta liberté.
L’autre main passa devant les yeux de Merar alors qu’il prononçait en chuchotant les mots qui scelleraient son destin. La jeune femme cligna des yeux à plusieurs reprises et répéta avec soin les paroles empoisonnées. A la fin de l’échange, il planta une seringue dans sa gorge et en déversa le contenu avec précision. La drogue montra ses effets narcoleptiques quasi-immédiatement et la Nautlan s’endormit dans les bras de l’Arkanien.
Tout s’était passé exactement comme il l’avait prévu.
Vous sous-estimez les Jedi.
La voix déformée par un vocodeur était toutefois suffisamment familière pour que Grakkus comprenne à qui il avait à faire sans besoin de se retourner. Dans le dos de la limace extraterrestre, la silhouette du guerrier noir surgit comme une apparition. Au même moment, Dashel exécuta la horde de bêtes immondes dans un enchaînement d’acrobaties et de bottes secrètes Jedi. Ni Oryel, ni le reste de la loge ne ratèrent une miette de ce spectacle à la fois terrible et époustouflant. Le contrebandier n’avait visiblement pas oublié son entrainement et même s’il était du genre à privilégier la voie du sabre à celle de la Force, il fallait bien avouer qu’il maîtrisait les deux arts avec un certain brio. Du peu qu’il en avait constaté, l’aspirant Sith lui-même ne lui arrivait peut-être pas à la cheville lame à la main. Mais il ne doutait pas de sa capacité à l’écraser en cas de duel. Le talent des Jedi n’était rien comparée au Côté Obscur.
Seigneur Grakkus, je me suis permis d’ajouter une touche personnelle à votre spectacle. J’espère que vous apprécierait le geste.
Avant que le Hutt n’ait pu répondre, la voix du présentateur s’éleva au-dessus de la clameur du public.
« MAIS QUEL SHOW MESDAMES MESSSSSIEURS ET NON BINAAAAIRES !! CE JEDI EN A SOUS LE CAPOT C’EST UN VERITABLE PODRACER !!! MAIS SERA-T-IL A LA HAUTEUR DU PROCHAIN ROUND ?!!!! »Déjà, les immenses portes d’acier aux quatre coins de l’arène se soulevait dans un cliquetis de chaîne tonitruant. Une cohorte de soldats droïdes sortirent de l’ombre, avançant inexorablement vers leur cible dans cette démarche mécanique si caractéristique. A l’autre bout du champ de bataille, une troupe de mercenaires aux origines hétéroclites surgirent de l’obscurité dans une cacophonie de cris de guerre et de grognement belliqueux.
« A MA GAUCHE, L’ORDRE ET LA FROIDEUR MECANIQUE ! LES CELEBRES MACHINES A TUER DU SECTEUR CORPORATIF !! »Une dizaine d’automates avaient été déployé pour offrir un spectacle digne de ce nom, les tristement célèbres unités B-22 et B-23 constituaient le gros de la troupe, mais on pouvait aussi compter parmi eux trois droïdes commando BX et une unité Droïdeka.
« A MA DROITE, LE CHAOS ET LE SANG CHAUD ! NOS REDOUTABLES MERCENAIRES DU SECTEUR HUTT !!! »Ici l’équipe était plus réduite, on pouvait compter une demi-douzaine de gladiateurs, divisé en deux groupes distincts. D’une part les guerriers Niktos qui formaient l’élite de la garde personnelle de Grakkus et d’autre part, une bande de féroces Trandoshans qui avaient visiblement réduit en esclavage un Gigoran armé jusqu’au dent. Ce dernier groupe était probablement le plus dangereux, mais Oryel remarqua immédiatement la faille à exploiter pour Dashel. S’il parvenait à pactiser avec le Gigoran pour le retourner contre ses maîtres esclavagistes, il gagnerait un allié de poids dans la bataille à venir. Et vu ce qui l’attendait… c’était son seul moyen de rester en vie.
« ENFIN AU CENTRE DE L’ARÊNE LA SOMPTUEUSE MAIS NON MOINS EXOTIQUE DEMOISELLE EN DETRESSE !! GRAND AMI DU JEDI ET MEDECIN SANS FRONTIERES, VOICI MERAR LA NAUTOLAN !!! »Le sable au cœur du dôme de combat se mit à vibrer avant de dévoiler les longues dents de fer d’un silo qui s’ouvrit sur l’inconnu. Quelques secondes plus tard, un immense pilier de bois jaillit de cette bouche improvisée et remonta vers le sommet de l’arène. Lorsque la peau rouge de l’alien émergea de l’obscurité, la foule se mit à crier de joie et applaudir de plus belle. Sur Tatooine, on n’avait jamais vu pareille créature et les Nautolan étaient rares en dehors de leur planète natale. Ainsi, une grande majorité du public n’avait jamais vu d’extraterrestre comme Merar, ce qui expliquait probablement la liesse générale. Malheureusement, le succès qu'elle rencontrait ne lui serait d'aucun secours, il lui faudrait la lame d'un Jedi pour briser les chaînes qui la retenaient prisonnière.
Dans un sourire carnassier, Oryel jeta un coup d’œil en biais à Grakkus.
Visiblement sa petite « touche personnelle » faisait son effet.
« MESDAMES MESSIEURS ET NON BINAIRES ! VOYONS MAINTENANT SI NOTRE PODRACER DE JEDI PARVIENDRA A SAUVER SA PRINCESSE AVANT QUE LES TIRS DE BLASTERS NE LA TRANSFORME EN GRUYERE !! »