- jeu. 9 mai 2019 14:40
#35494
La Galaxie, vaste étendue de rien ponctuellement piquée de non rien. Amas épars d’étoiles et de planètes, autant d’astres, comme des atomes. Et combien de galaxies ? Des dizaines ? Des centaines ? Et que s’y passait-il ? Y avait-il quelque part dans cet univers, une femme aussi désespérée qu’Elizabeth Civicius, et à la fois aussi heureuse ? Peut-être une mère accouchant de jumeaux, l’un vivant, l’autre mort. L’Arkanienne observait sans joie le défilé sans fin des étoiles qui composaient le paysage de ce long voyage au bout duquel elle retrouverait l’Empereur, son futur époux. Et elle se blâmait de cette morosité. Un mariage est un évènement heureux ! Dans la plupart des cas. Il lui restait trois jours pour se convaincre que la perte de son bien le plus précieux était un détail, ou temporaire.
Le petit vaisseau comprenait un équipage d’une douzaine de personnes. Dont les deux miliciens chargés de la sécurité rapprochée de Civicius. Oberan et Nkechi. Ils étaient nerveux tous les deux. Mais Isen trouvait Meyine d’autant plus nerveuse que d’habitude, et il pressentait que l’état de la Reine n’avait rien à voir avec l’anxiété peu ordinaire dont elle faisait preuve. Il la surveillait donc elle aussi. Pour tuer le temps, pour s’occuper la tête. Car ce qui allait venir était tout sauf du bonheur. C’était la fin de quelque chose, peut-être la fin de tout. La fin d’un fantasme notamment. Et le début d’une longue aigreur. Il n’avait jamais rien dit, et ne dirait jamais rien. Au moins avait-il le privilège d’assister à ce mariage des plus privés. Elizabeth avait tenu à n’inviter personne, pas même un proche. Elle n’avait pas de proches. De faux amis. Hormis Kadmo, qui faisait lui aussi partie du voyage.
Alors que la Monarque s’était isolée, elle manda le Capitaine.
- « Qui s’occupe de votre mission pendant que vous m’accompagnez ? »
L’Arkant répondit sans douter.
- « Deux agents ont été chargés de l’enquête. »
Et elle le renvoya.
Finalement, seule, elle se trouvait bien. Enfermée dans sa cabine avec I-sys, elle trouvait bon de récapituler le planning des tenues. Le droïde, au début, avait beaucoup renâclé à la tâche, répétant sur le même ton monocorde que tout était déjà enregistré sur sa carte interne, et que tout allait bien. Puis il abandonna la bataille, accompagnant son maître dans l’inutile revue. Enfin, vint le tour de la robe, la seule qui avait vraiment de l’importance. Elle avait été faite sur mesure, bien évidemment. C’était une robe à bustier, comme aimait tant en porter Elizabeth. Harlon ne l’avait pas encore vue, celle-là. Il en serait peut-être choqué, ou déçu. L’Arkanienne appréhendait la réaction de son époux, lorsqu’il la verrait enfin.
- « Les Humains se marient en blanc, généralement, non ? »
Elle n’écouta pas la réponse de son aide métallique. En fait, ça n’avait pas d’importance. Elle était Arkanienne, et entendait honorer quelques traditions arkaniennes avant de quitter définitivement son foyer.
- « Prépare la première. Celle de l’arrivée. »
Le droïde ne releva même pas le fait que l’arrivée était prévue pour le troisième jour de voyage. Il prépara, sans un bruit. C’était une robe ocre, sans décolleté ni échancrure, donc les manches longues étaient faites de dentelle fine. L’habit ne comptait que quelques broderies, à l’encolure et à la ceinture, mais demeurait d’une simplicité effrayante. Son seul atout résidait en ses pinces qui marquaient à merveille les hanches de la Monarque. Si Harlon devait voir sa promise avant la noce, il la verrait ainsi. Et cheveux relevés en un chignon simple. Autour du cou, la petite amulette de communication.
Après trois jours de voyage spatial, le petit vaisseau quitta l’hyperespace. Il apparut à bonne distance du mastodonte impérial qui se tenait là, sur fond de nébuleuse. La Reine s’émerveilla d’abord de l’arc-en-ciel impressionnant qui s’étirait dans la nébuleuse, puis reporta son attention sur la silhouette sombre qui s’en détachait.