L'Astre Tyran

[Moto Yabuchi]

Je suis actuellement confortablement installée dans le fauteuil de mon vaisseau. Honno est là, assise à côté de moi, prenant enfin un petit moment de pause. La Bith n'est plus si jeune et pourtant elle est capable d'une énergie qui me surprend toujours autant. Elle vient de finir de me rassembler toutes les informations qui allaient m’être nécessaire pour mener à bien cette rencontre. Je lisais mon datapad tout en sirotant un concentré vitaminé.

Chacune à notre manière, nous nous étions préparées à la rencontre qui allait bientôt survenir : Un rendez-vous organisé avec Oryel Dagon III, qui allait beaucoup compter pour nos affaires, mais aussi et pour une raison évidente, pour moi. Honno avait fait une étude de risque, fait tourné ses algorithmes complexes et élaborés pour évaluer différents scénarii. De mon côté j’avais fait des études de marché, vérifié plusieurs fois mes chiffres, fait des projections et trouvé divers scénarii d’optimisation de flux d’argent.

J'étais habillée de riches tissus de soie aux motifs rouges sang et or, un dragon brodé courait de bas en haut de mon kimono, avec je porte un hakama de la même couleur et en dessous une combinaison de coton rose pâle. J'avais prit soin de m’asperger d'un peu de mon eau de parfum et m'étais faite maquillée avec la précision et la perfection habituelle. Dans le chignon formé sur le dessus de ma tête, une broche d'or était disposée, la poignée représentant un félin lové.

Une fois mon vaisseau, Les Deux Roses, posé à Adascopolis, nous partîmes avec Honno en direction de notre lieu de rendez-vous. Honno était chargée de mes dossiers et mes diverses autres affaires, plus ou moins indispensables. Ce qui représentait tout au plus une mallette un peu épaisse, mais rien de démesuré. Bien entendu, nous nous déplacions en transport individuel et privé, il n’était pas question de partagé mon espace vital avec n’importe qui.

C’est donc après quelques temps que nous étions déposé auprès de notre lieu de rendez-vous. Je fis signe à Honno de nous annoncer, pendant que j’observais le paysage de cette planète, sur laquelle je n’avais jamais prit le temps de poser les pieds. C’était une belle occasion de découvrir de nouveaux horizons. C’était lors de ces moments que je me sentais la plus vivante, je me sentais jeune femme pleine de vie, prête soulever les montagnes, à conquérir les mondes. C’est donc avec une fougue restaurée que je m’avançais quand finalement on me le proposais.

[Jen'Ari Nekanasaza]

Ici, sur Arkania, au cœur d’Adascopolis, Arkanian Cybernetics ne disposait que d’une petite succursale essentiellement destinée à la prise de rendez-vous et au suivi des produits en fonctionnement. Cette petite succursale occupait l’étage d’un des immeubles du quartier des affaires de la capitale arkanienne. Le turbolift qu’on empruntait au rez-de-chaussée conduisait directement au quinzième étage, à la réception d’Arkanian Cybernetics, une cage de verre et de marbre lustré. Dame Yabuchi avait été accueillie avec diligence et installée dans le salon d’attente. Une attente relativement courte et confortable ponctuée par l’arrivée d’un cyborg aux manières raffinées. Celui-là n’était pas un des Yakas, jugés peu esthétiques, mais un Arkant, amélioré par les soins du génie arkanien. Il invita, d’une révérence respectueuse, les visiteurs à le suivre.

L’agence d’Adascopolis était un dédale de couloirs blancs aux murs percés de portes opaques. Derrière ces portes se cachaient tantôt des bureaux, tantôt des salles de soins. L’hôte conduisit Dame Yabuchi, à travers le labyrinthe, jusqu’au bureau qui verrait se dérouler l’entrevue. Il toqua à l’une des portes, patienta quelques secondes, et ouvrit finalement. L’Arkant s’effaça afin de laisser entrer les visiteurs. La pièce était grande. Deux de ses murs consécutifs constituaient une large baie vitrée depuis laquelle on admirait une vue spectaculaire sur le Dominion, et plus loin le Praxeum. Entre la porte et la verrière, la pièce était meublée d’un bureau moderne et de fauteuils prompts à recevoir Dame Yabuchi. Posté debout près du bureau de bois sombre, Oryel Dagon, dans son costume trois pièces de la plus belle facture, attendait, immobile. L’Arkant salua, et s’en alla, laissant derrière lui porte close.

L’Arkanien, avec toute la grâce et la patience dues à son rang, se mit en mouvement.


« Soyez la bienvenue, Dame Yabuchi, chez Arkanian Cybernetics. »

Il s’inclina légèrement. Il avait l’habitude de ce genre de rencontres, bien qu’il ne les pratiquait plus depuis un moment. Là n’était pas son rôle. Un client comme celui-ci avait à être rencontré par Jenasha. Si Moto Yabuchi avait été dirigée vers la succursale arkanienne, c’était pour rencontrer le génie, Dagon, en poste fixe désormais à bord de la brillante Station Arkoh Adasca, et dépêché de temps en temps à terre, ici dans ce bureau. L’Arkanien désigna les fauteuils.


« Je vous en prie, installez-vous. »

Il patienta debout que Dame Yabuchi fut assise.


« Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? »

Elle n’avait qu’à demander, Dagon appuierait sur un petit bouton à son bureau, et un Arkant se précipiterait pour lui apporter les mets de son choix.

Finalement, l’Arkanien s’installa derrière son bureau.


« Dame Yabuchi, vous avez toute mon attention. »

[Moto Yabuchi]

Le sens de l’accueil des Arkaniens n'était décidément pas à mon goût, trop surfait, trop inhumain, trop froid. La blancheur de leurs couloir, l'absence de personnalité de leur architecture et le polissage de leur serviteurs était, à mon sens, l'exemple même d'une perfection poussé à l’excès. J'ai toujours eu l'intuition que la perfection n'est pas un optimum, mais un équilibre. Il ne suffisait pas d'aller le plus loin et le plus fort possible, il fallait avancer de façon harmonieuse, intègre, entière et c'est l'absence de cela qui, bien malgré moi, me déplaisait le plus chez eux. Paradoxalement, cette froideur et cette absence de personnalité était tellement singulière qu'elle en devenait un trait reconnaissable.

Lorsqu'enfin nous fûmes arrivées au lieu de réception, je laissais là mes réflexions et mes avis pour me concentrer sur mes intérêts présents et revêtais les charmes et l'extrême politesse que mon éducations et mon expérience m'avaient dotée. C'est donc avec un sourire calculé et un pointe de séduction que j'accueillais les salutations d'Oryel Dagon, en lui retournant sa révérence.

« Je vous remercie de me recevoir en personne, Oryel Dagon, je reconnais tout à fait l'honneur que vous m'accordez. »

Suivant l'invitation de l'Arkanien, je me dirigeais vers l'un des fauteuils mit à ma disposition, comme à son habitude, Honno choisi de rester debout, légèrement en retrait, une manie qu'elle avait développée au fil des années et qui, je l'avoue, lui allait bien. Cela jetait quelques mystères sur sa personne, déjà fort mystérieuse car peu de choses transparaissait sur son visage de Bith.

« Je vous prendrais volontiers un thé Tarine et un verre d'eau minérale, si cela vous est possible. La même chose pour mon assistante, Honno. » Honno hocha la tête vers l'Arkanien en guise de validation.

A sa dernière déclaration, je fis un rapide check-up de ma situation, des demandes et propositions que j'avais à lui formuler, une fois tout cela passé en revue, je posais mon regard cybernétique sur Dagon :

« Je m'en viens vous rencontrer en tant que cliente de longue date chez vous. D'un tout autre ordre, je viens aussi en tant qu'entrepreneuse et j'avoue avoir quelques quelques opportunités qui pourraient vous intéresser. » Je marquais une pause, prenant le temps de détailler mon interlocuteur. Je trouvais incroyable et incompréhensible ceux et celles qui disaient les Arkaniens séduisants. Certes ils ne manquaient pas de manière, c'était un peuple civilisé après tout, mais jamais je ne me laisserais séduire par aucun ou aucune de cette espèce.

« Sans entrer dans les détails, je souhaitais faire appel à vos services car il y a peu j'ai subit une déconevenue : face à un interlocuteur mal intentionné, je me suis retrouvée en défaut. Loin de moi toute idée belliqueuse, je cherche d'avance à pouvoir me défendre que répliquer. Les gardes du corps ne sont guère de mon goût et je trouve la violence fort peu élégante, auriez-vous une ou plusieurs propositions à me faire quant à l'amélioration de la solidité ou des protections de ce corps ? Je serais bien tranquillisée que de me savoir, moi, en plus grande sécurité. » J'accompagnais ce dernier "moi" d'un geste en posant mes mains sur ma poitrine. Une manie que j'avais depuis mon... transfert... que j'avais acquise pour différencier ce que je considérais comme mon corps et la coquille robotique qui me maintenait en vie.