- jeu. 23 sept. 2021 18:14
#39792
IDENTITE
Nom du Personnage : Zeph Mathuin
Race : Ruusanien
Âge : 34 ans
Planète d'origine : Ruusan
PROFIL
Métier : Chevalier Jedi en herbe
Faction : Nouvel Ordre Jedi
Description : En tant que Ruusanien, une branche presque-humaine ayant divergé de façon quasiment indécelable de l'humanité originelle, Zeph est physiquement semblable à des milliards de milliards d'humains lambdas. La peau blanche quoique légèrement plus pâle que la moyenne – la faute au climat quelque peu rigoureux de son monde natal – habille une chair plutôt pas à plaindre. Relativement musclé, le bonhomme n'est pas pour autant dénué de graisse, la faute à une tendance à profiter de la vie quelque peu éloignée des tradictions moniales voire austères diraient certains de ses compatriotes Jedi. Une barbe relativement fournie lui donne un air vaguement vaurien tandis que ses cheveux longs rattachés en une queue de cheval à l'arrière lui offrent une allure bien plus propre sur lui. Enfin, entre les yeux vairons qui peuvent mettre mal à l'aise pour qui n'est pas habitué à ce genre de spectacle et un visage toujours souriant et accueillant, on obtient là un individu respirant le paradoxe ambulant. Contraste profondément présent dans les tenues qu'il porte. S'il doit officier au sein du Temple de Coruscant ou quelque autre lieu « officiel », le Jedi s'échinera à porter bure et tenue Jedi sans discuter. Mais sortez-le du cadre strict de son boulot et vous le verrez préférer des tenues décontractées rappelant au choix un gangster du dimanche ou un joyeux lurron qui n'a aucun goût en matière de fringues. Inutile de dire qu'on se demande ce qu'il peut bien foutre au sein d'un ordre aussi féru d'apparence digne et de bienséance... Une question que le bougre se pose d'ailleurs souvent, au demeurant. Et n'a toujours pas la réponse au bout de 34 ans d'existence, on est pas rendus.
Histoire :
Le vent soufflait avec une telle force qu'on pouvait plutôt dire qu'il hurlait dans la vallée. L'hiver était tout proche, même si ça ne voulait plus dire grand-chose ici depuis un bon millier d'années au moins. En tout cas selon les anciens, les vieux qui vous racontaient leurs histoires aussi incroyables que terrifiantes, aussi géniales que bizarres, le soir au coin du feu, pendant que les tasses de synthécafé étaient en train d'être préparées par Tatie Cléclé et Oncle Doj. C'étaient ses moments préférés de la journée, le soir venu, après que le dîner eut été consommé, la vaisselle nettoyée, les devoirs terminés et que la nuit venait finalement jeter son manteau de minuit sur la voûte céleste de Ruusan. Alors il savait que le moment était venu et qu'enfin, corvées et obligations prenaient, temporairement, fin pour laisser place au partage et à la joie. Ce moment ou Oncle Doj, sans cesser de marmonner et maudire le vieux Qu'un-Oeil, conteur, grand-père et pique-assiette invétéré de son état, lui tendait le substitut de chocolat chaud tandis que Tatie Cléclé pour sa part, versait une généreuse rasade de la bibine locale – d'un incroyable mauvais goût au demeurant – à Qu'un-Oeil pour l'encourager.
Alors, quand il levait sa petite tête de gosse paumé et encore innocent vers le visage salement égratigné du vieil homme, quand il voyait dans l'unique orbite existante du bonhomme luire cette lueur qu'il avait appris à reconnaître aisément avec le temps, il savait que cette nuit encore, il parviendrait à s'endormir sans trop de mal. Les cauchemars ne le hanteraient pas, ni plus que la peur qui pourtant ne cessait jamais de le quitter en journée. Murmures et promesses se tairaient grâce à une simple petite histoire, ce simple moment de partage convivial qui avait une valeur que bien peu pouvaient soupçonner. Pas même les jurons marmonnés à voix basse pour ne pas que le gosse ne les entende ni ne les mémorise – vaine tentative, ça faisait bien longtemps que c'était le cas – d'Oncle Doj ni les régulières crises de ronflement de Qu'un-Oeil – qui effectivement s'endormait toutes les 5 minutes sur place, la faute à la bibine et le grand âge certainement – ne pouvaient entacher l'enthousiasme et l'impatience du mouflet.
Allez Qu'un-Oeil! Raconte-moi encore cette histoire !
Encore ? M'enfin p'tit gars, ça fait bien la millième fois que je te la raconte ! Tu t'en fatigues donc jamais ?
Non, je veux l'entendre encore et encore ! Elle est trop stylée !
Bon, si t'insistes gamin...
C'était alors là que la magie commençait d'opérer, quand le vieillard prenait soudainement une pose qu'il voulait probablement sage et un peu intimidante mais qui rendait passablement comique et ridicule le pauvre hère avant de se mettre à adopter la voix d'un conteur chevronné. Qu'un-Oeil, malgré tous ses défauts de vagabond sans le sou, d'ivrogne invétéré et d'arnaqueur effroyablement mauvais, savait comme personne raconter une histoire. On lui prêtait un passé de barde, même si personne au demeurant n'avait jamais pu lui expliquer ce que c'est qu'un barde. Pour Zeph, ça sonnait comme un genre de magicien ou sorcier. Ce qui, fort logiquement, le rapprochait indubitablement de ces héros qu'il avait appris à vénérer et dont il raffolait d'entendre exploits et légendes de la part dudit Qu'un-Oeil.
Alors le vieillard commença de raconter son histoire. Il parla d'un temps ancien de Ruusan ou la terre comme le paysage avaient été luxuriants et agréables. Forêts et océans paisibles abondaient en ce monde qui était d'une tranquillité rare. Les gens y vivaient en paix et s'il y avait parfois quelques conflits entre voisins, jamais ils n'allaient plus loin qu'insultes et éventuellement bagarres brèves. Les riches métaux dans le sol de leur monde leur permettait de vivre convenablement et nul, au demeurant, n'aurait pu penser qu'un jour les choses changeraient. Génération après génération, on vivait heureux et en paix.
Comme à chaque fois, le petit garçon se prit à rêver de cette belle époque depuis longtemps révolue. Il essayait de s'imaginer comment Ruusan devait être aussi belle qu'agréable à vivre mais peinait à se la représenter. Du haut de ses 6 ans, il était tout simplement trop jeune pour y parvenir, son imagination bien que fertile n'était pas suffisante pour combler les trous. Mais cela ne le décourageait jamais à essayer, quand bien même c'était vain. Ainsi en allait-il chez les enfants, jamais à court d'énergie et de raisons de la gaspiller, surtout si c'était dans le vide.
Puis Qu'un-Oeil évoquait alors l'Ombre avec un gros O qui avait finalement posé ses yeux jaloux et envieux sur leur monde. Il parlait de ces méchants hommes et femmes qui avaient désiré tout ce qu'était Ruusan parce que, selon lui, eux-mêmes ne l'avaient pas et ne supportaient pas que d'autres l'eussent en abondance. Là non plus, Zeph ne comprenait pas, bien qu'il ne mit jamais en doute les paroles du conteur. Pourquoi donc ces méchantes personnes voulaient-elles prendre ce que les siens avaient ? Il eut été plus simple de demander à partager, non ? Il ne doutait pas que s'ils l'avaient fait, le problème aurait été réglé rapidement et sans soucis.
Selon Qu'un-Oeil, les gens de l'Ombre n'avaient cure de tout cela. Ils ne voulaient ni partager ni demander. Ils prenaient ce qu'ils voulaient, à qui ils voulaient, comme ils le voulaient et quand ils le voulaient. C'était pour ça qu'ils étaient de l'Ombre après tout. Et ils avaient pris sans se gêner, le vieil homme prenait alors un ton sombre tout en toussant pour évoquer les multiples maléfices magiques, moqueries et mauvais tours dont ils tourmentaient les habitants de Ruusan. Dans leur jalousie, disait-il, ils étaient résolus à faire souffrir ceux qui avaient ce dont ils manquaient et à leur rendre la vie dure.
Tant les images évoquées par Qu'un-Oeil que son récit très imaginatif de ce que ceux de l'Ombre infligeaient aux natifs ne cessaient jamais de terrifier le gamin qui se mettait à trembler si fort qu'il fallait toujours l'intervention de sa tatie pour le calmer. Assez pour que le récit reprenne. Ce que l'enfant n'osait pas avouer, n'oserait jamais avouer à quiconque, c'était qu'il parvenait à se représenter parfaitement ce dont parlait le conteur. Il n'aurait su dire comment mais dans sa tête se formait une vision très précise de ces hommes et femmes de différentes races, engoncés dans leurs armures d'un noir plus noir que la nuit et de leurs épées rouges vibrantes de colère. Il voyait leurs yeux d'un jaune malfaisant et leurs sourires mauvais tandis qu'ils pointaient leurs épées en avant, condamnant par ce geste ses ancêtres innocents. Et le feu et la mort tombaient irrémédiablement du ciel comme la pluie tombe des nuages, causant mort et destruction. C'était cela, bien plus encore que les mots du conteur, qui terrifiaient toujours l'enfant.
Puis venait le retournement, quand Qu'un-Oeil, sitôt qu'on l'eut une nouvelle fois réveillé, racontait ces guerriers de Lumière, ces hommes et femmes d'un blanc étincelant, qui arrivaient eux aussi, comme ceux de l'Ombre, du ciel au-delà de leur ciel. Eux ne partageaient ni la cruauté ni la malveillance de ceux de l'Ombre dont ils étaient les ennemis. Et bien qu'ils maniaient également des épées brillantes, les leurs étaient du bleu et du vert de la plus grande pureté. Quand ils posaient leurs yeux sur les habitants de Ruusan, c'était la pitié, la compassion et la gentillesse qui s'y lisait. Ils comprenaient la douleur des pauvres gens et étaient là pour les aider. Pour les protéger. Pour les sauver.
« Cette guerre de la Lumière contre les Ténèbres se terminera ici même sur Ruusan mes frères et sœurs. Et notre devoir est, comme il le sera toujours, d'en protéger les faibles et les innocents afin que jamais plus ils ne souffrent. »
Tels étaient les mots, selon Qu'un-Oeil, du légendaire chef des chevaliers de Lumière le jour de son arrivée. Des mots qui avaient profondément touché le petit garçon dès la première fois qu'il les eut entendus. Chaque nuit durant, il se prenait à rêver combien ce devait être fabuleux d'être l'un de ces paladins de la Lumière, ces preux chevaliers et chevalières qui protégeaient leur prochain contre les terribles et cruels gens de l'Ombre. Il s'imaginait lui-même avec sa proprée épée de lumière, bravant le danger et les méchants, vivant de grandes aventures trépidantes.
Par la suite, Qu'un-Oeil se fendait d'un ton quelque peu triste, racontant les longues et nombreuses batailles entre les forces de la Lumière et de l'Ombre pour le contrôle de Ruusan. Les premiers voulant tant la défendre qu'en défendre les habitants tandis que les seconds voulaient tout anéantir. Puis venait irrémédiablement la plus grande et la plus terrible des batailles entre toutes, la dernière. Celle qui avait permis de vaincre les guerriers de l'Ombre mais à un terrible prix. Ruusan en avait été ravagée et transformée à jamais tandis que nombre de ses habitants n'y survécurent pas, particulièrement les Bondissants. Les guerriers de la Lumière eux-mêmes payèrent cher cette victoire mais ils ne s'en plaignirent jamais pour autant. Leur devoir de protection était accompli et ils repartirent, laissant les natifs reprendre leur vie après leur avoir porté assistance le temps que les choses s'arrangent suffisamment.
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Je m'aperçois avec le recul, en repensant à cette époque, combien j'étais aussi naïf que stupide. Un gamin ignorant de tout, de la galaxie évoluant autour de son petit monde insignifiant à son propre monde natal. Pourtant, je n'arrive toujours pas à me le reprocher. Après tout, comment en vouloir à un gamin de s'imaginer tant les plus terribles que les plus belles choses ? Jamais les choses ne sont aussi simples ni ne l'ont jamais été. Et je me prend souvent à le regretter. Ce rôle qui nous incombe à nous autres est un lourd fardeau que nous acceptons pleinement mais bien peu d'entre nous comprennent réellement tant les sacrifices que les devoirs qui nous incombent. Je soupçonne que même parmi le Conseil, cette vision des choses est parfois perdue de vue.
Maître Mathuin ?
Hein ? Ah, pardon, excuse-moi, que disais-tu jeune Boubou ?
Maître !
Oh, tu n'aimes pas ce surnom ? Je ne vois pas ce que tu lui trouves pourtant, il est mignon. Et il te va bien en plus. On ne peut pas en dire autant de ton camarade Mather. Il paraît qu'on le surnomme Gobelin, imagine un peu vivre avec ça...
Maître Mathuin, pourquoi vous n'êtes pas gentil avec moi ?
Parce que ça ne fait pas partie de mon boulot de formateur. Du reste, je ne vois pas comment tu pourrais trouver meilleur que moi. Bref, ou en étais-je déjà ?
Vous parliez de Ruusan...
Exact. Et la jeune padawan parfaitement éduquée que tu es va donc pouvoir m'en dire un peu plus n'est-ce pas ?
La petite Mirialan, du haut de ses 11 ans, était aussi adorable qu'on pouvait s'y attendre. Quand il la regardait, il voyait l'avenir de l'Ordre. Une vie si fragile mais si pure, si empreinte d'un potentiel infini. Comme lui l'avait été en son jeune temps. Elle était comme un chrysalide en formation dont émergerait un jour prochain une magnifique créature. Il n'avait pas de doute sur la padawan, elle deviendrait un jour une authentique Chevalier Jedi digne de ce nom qui porterait avec fierté son titre et aiderait à rendre la galaxie meilleure pour tous. Il trouvait toujours profondément amusante la façon dont elle fronçait les sourcils lorsqu'elle réfléchissait intensément comme elle le faisait actuellement. Il voyait à son maintien raide comme un piquet qu'elle se débattait avec ce qu'elle voulait dire, incertaine de donner ou non la réponse qu'il attendait d'elle.
Yvraine, dit-il avec douceur et sur un ton paternel, je te sens quelque peu inquiète. De quoi as-tu peur ?
Je ne suis pas certaine de savoir ce qu'il faut répondre, Maître.
Avoir peur, c'est normal, Yvraine. Mais tu n'as rien à craindre de moi tu le sais. N'aie pas peur d'agir, agis. Ne pense pas trop, fais. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix. Une mauvaise réponse est toujours mieux que pas de réponse du tout. C'est en essayant et en échouant que tu t'amélioreras. Je t'écoute.
Ben, j'ai lu quelques holodisques dans la bibliothèque sur le sujet mais ça n'en disait pas grand-chose. Je crois que c'était le lieu d'une grande bataille entre les anciens Jedi et les Sith il y a un peu près 1000 ans c'est ça ?
Exact, jeune padawan. Tu vois, tu n'avais pas à craindre de mauvaise réponse. Peux-tu me dire pourquoi ils s'y sont affrontés ?
Oh, ça je crois que c'était précisé ! Euh... Parce que c'était situé à un carrefour strat... Stratr... Stratégique ?
Oui mais non. Je ne te demande pas pourquoi ils se sont affrontés sur Ruusan, je te demande pourquoi ils se sont affrontés.
L'incompréhension emplit les yeux de la Mirialan.
Je ne comprend pas Maître.
Pourquoi Jedi et Sith se sont affrontés, padawan Yvraine ?
Parce que ça a toujours été comme ça entre eux et nous, non ?
C'était et ça n'était pas une bonne réponse. Mais elle avait le mérite d'être pertinente. Et cette interrogation à la fin signifiait que la jeune fille se posait elle-même la question, ce qui était bon signe. Savoir se poser les bonnes questions était toujours une excellente chose dans la vie de tous les jours et plus encore chez un Jedi.
Et pourquoi est-ce que ça a toujours été comme ça au juste ?
Parce que nous sommes gentils et eux méchants ?
Haaaa, jeune padawan, comme j'aimerais que les choses soient aussi simples. Disons que tu n'as pas complètement tort dans le fond mais sur la forme par contre...
Que voulez-vous dire Maître ?
J'imagine que tu connais un peu l'histoire tant des Jedi que des Sith. Tu sais qui ils sont et quels sont leurs objectifs tout comme pour nous. On a dû te l'apprendre en classe.
Maître Vos a évoqué le sujet à de nombreuses reprises oui.
M'étonne pas, cet ancêtre nous enterrera tous au train ou vont les choses... Euh oublie ce que je viens de dire, faudrait pas qu'il en ait vent.
Mais je ne comprend pas pourquoi ils sont comme ça, Maître.
Les Sith ? C'est plutôt simple. Que ressens-tu lorsque tu utilises la Force ?
Nouveau froncement de sourcils trahissant la réflexion. Il faut dire que demander à un enfant, même un padawan formé par de talentueux Maîtres et Chevaliers Jedi, de décrire ce qu'il ressentait, encore plus dans un domaine aussi abstrait que la Force, était rien de moins que de tenter de décrocher la lune.
Je sais pas trop Maître. Je me sens... Bien ? Contente ? Je trouve ça excitant et super cool en fait ! C'est pas bien ?
Il n'y a pas de honte à l'avouer. C'est toujours ainsi au début, particulièrement à ton âge. Tu sais pourquoi tu ressens ces choses ?
Non Maître.
Parce que tu réalises, outre le fait que c'est génial de pouvoir soulever un petit caillou dans l'air d'un geste de la main, que ça fait de toi quelqu'un d'unique. D'incroyable. Tu n'es pas comme la plupart des autres et c'est quelque chose d'indescriptible. Tu réalises, sans pouvoir y mettre les mots, combien ce pouvoir qui est en toi te rend différente et supérieure aux autres. Et c'est là qu'est le piège, là que réside la différence fondamentale entre Jedi et Sith.
Comment ça ?
Nous sommes tout à fait conscients du pouvoir qui est le nôtre, de la puissance que nous seuls parmi tous, pouvons manier. Nous savons qu'elle fait de nous des êtres à part. Les Sith le savent aussi. Mais là ou ils choisissent d'y voir une preuve de leur supériorité, de leur bon droit à faire ce qu'ils veulent à qui ils veulent comme ils le veulent, nous y voyons une responsabilité. Nous croyons que ce pouvoir doit être manié avec parcimonie et respect, pour le bien des autres et non le nôtre. Nous acceptons de servir et protéger, pas de dominer et abuser. Tu comprends ce que j'essaie de te dire ?
Je crois, vous voulez dire que c'est pas parce qu'on peut faire voler un caillou que ça nous donne le droit de le lancer sur notre voisin sous prétexte qu'il a pas voulu nous donner son goûter !
Zeph gratifia la Mirialan d'un sourire éclatant et bienveillant, presque paternel. La jeunesse avait une innocence et une honnêteté qui ne laissait jamais de l'amuser et le surprendre. Que n'aurait-il pas donné parfois pour retourner à cette époque de sa vie et redécouvrir une chose qui lui manquait chaque année un peu plus.
Excellent jeune padawan, tu as bien appris ta leçon ! Et maintenant, que dirais-tu de passer à la pratique ? Montre-moi combien de temps tu peux soulever ce coussin en te concentrant. Si tu réussis bien ce petit exercice, il est même possible que je me laisse tenter de t'emmener faire un tour dans l'un de nos chasseurs...
[b]Oh oui alors ! Je vous décevrai pas Maître Mathuin !
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Ils étaient finalement venus le prendre, comme Oncle Doj et Tatie Cléclé avait toujours dit que ça finirait par arriver. Même un endroit aussi paumé et ignoré que Ruusan ne pouvait éternellement rester à l'abri de leurs oreilles. Un lieu aussi chargé d'histoire n'avait pu que leur revenir en tête et il n'avait pas dû leur être difficile de réaliser combien, par sa valeur symbolique, ce monde pouvait être un excellent refuge pour les proies qu'ils pourchassaient inlassablement. Rien d'étonnant à ce qu'ils furent parvenus à semblable conclusion au fond. Entre les colonies de Bondissants capables d'user de la Force d'une façon bien mystérieuse et la Vallée des Jedi, mémorial de l'ultime et terrible bataille entre l'Armée de la Lumière et la Confrérie des Ténèbres, Ruusan avait été marquée par l'empreinte de la Force. Une attention dont ses habitants se seraient bien passés. Tout gamin qu'il était, il avait une nuit surpris l'Oncle Doj évoquer leur nom à voix basse tandis qu'il discutait avec sa tatie du meilleur moyen de le protéger. Les Inquisiteurs de l'Empire. Si isolée que fut Ruusan et laissée livrée à elle-même, il lui aurait été impossible d'ignorer ce qu'était l'Empire. Après tout, elle en faisait partie bon gré mal gré. Oh bien sûr, en dehors d'une très petite garnison et d'un Moff, il n'y avait guère de présence impériale à la surface. C'aurait été purement inutile que de laisser plus de troupes pour un monde si peu peuplé et qui n'avait cure de qui tenait les rênes tant qu'on le laissait tranquille. Une chose rare pour la plus grande tyrannie galactique et qui, curieusement, avait eu lieu.
Pour les Inquisiteurs en revanche, c'était plus difficile à dire. L'Empire en lui-même était déjà un dirigeant lointain et assez nébuleux alors autant dire que son fonctionnement comme ses institutions étaient un vrai mystère. Et bien plus encore l'étaient ses plus secrètes organisations. Mais, il ne savait comment, Oncle Doj en savait un peu sur eux. Pas grand-chose, des rumeurs au plus. Mais bien assez pour savoir que son neveu était en danger et le serait toujours tant que l'Empire vivrait. Ou tant que lui-même n'aurait pas trouvé un endroit sûr ou s'en cacher. Pieux vœu mais bien irréalisable hélas.
Il n'avait jamais su exactement ce qui avait décidé son oncle à agir. Des suppositions à partir de souvenirs, des années après les faits, l'avaient mené à penser que peut-être, quelqu'un avait parlé du gamin et ses petits tours de passe-passe innocents aux mauvaises personnes. Et que celles-ci avaient transmis l'info à qui de droit, les poussant à faire le déplacement. Toujours est-il qu'à ce moment, Zeph était déjà loin, à l'autre bout de Ruusan en compagnie d'une vieille femme dont il ne savait strictement rien, pas même le nom. Oncle Doj et Tatie Cléclé lui avaient simplement expliqué que dorénavant il lui faudrait partir avec elle.
Pour combien de temps ? Avait-il demandé. Pour toujours, lui avait-on répondu. Quand reviendrait-il alors à la maison ? Jamais. Il avait aperçu à ce moment les flocons de neige qui se déversaient sur les joues de sa tante et avait réalisé qu'elle pleurait silencieusement en s'efforçant de le cacher. A ce moment, en se concentrant, il avait ressenti une profonde peine dont il avait été certain, sans bien savoir comment, qu'elle était tant la sienne que celle de son oncle et tante. Cela lui avait brisé le cœur de les voir dans cet état à cause de lui. Il réaliserait plus tard que ce n'était pas lui le fautif mais ça n'en rendrait pas les choses plus faciles à accepter.
Il n'avait jamais su non plus ce qu'ils étaient devenus. Ils avaient refusé de venir avec lui, arguant que si on ne trouvait plus personne chez eux, les soupçons se porteraient immédiatement sur eux. La vieille femme avait acquiescé mais pour Zeph, ça avait semblé complètement idiot. Si c'était lui qu'on cherchait chez eux, qu'ils fussent présents ou non n'allait rien changer aux soupçons des étrangers, à partir du moment ou lui-même n'y serait pas. Ce n'était que des années plus tard, une fois qu'il aurait suffisamment grandi, qu'il comprendrait. Son oncle et sa tante avaient simplement décidé de le protéger en se sacrifiant pour brouiller les pistes. Ça non plus ça n'avait pas été facile à accepter. Qu'est-ce qu'il avait de si spécial qui valut qu'on y perdre la vie pour le protéger ?
Tu représentes l'avenir, Zeph. Nous sommes le passé. Sans toi, il n'y aura plus rien.
La vieille femme dont jamais il n'avait su le nom, qu'il avait fini par surnommer Croyance avec le temps, lui avait dit cela lorsqu'il lui avait posé la question alors qu'ils se cachaient au fond d'une grotte parmi les montagnes, du côté le moins hospitalier de Ruusan. Sans doute ceux à leurs trousses avaient-ils cru qu'ils iraient se cacher aux environs de la Vallée des Jedi, un lieu autrefois saint mais maintenant à l'abandon, entre autres à cause des superstitions en vigueur depuis des générations mais qui n'auraient nullement effrayé leurs traqueurs. Pourtant, pas une fois Croyance n'avait-elle fanfaronné ni fait la surdouée, bien au contraire. Ployant sous le joug d'un poids invisible qu'elle seule semblait voir, à ce qui lui semblait, elle n'avait cessé de l'encourager, non sans une certaine douceur, à ne pas regarder en arrière et aller de l'avant.
La douleur c'est difficile Zeph, je le sais bien. Mais tu leur rendras service autant qu'à toi en les laissant dans tes souvenirs. Tu dois les oublier. J'aurais souhaité qu'il en soit autrement mais cette galaxie n'est pas tendre avec nous. Et elle ne nous laissera aucun droit à l'erreur.
Plus facile à dire qu'à faire un pour un gamin d'à peine 10 ans dont on venait de l'arracher au seul foyer qu'il ait connu, pour une raison obscure et pour le plonger dans un nouveau monde dont il ne savait rien, avec une étrangère qui lui faisait peur. Non qu'elle fut une harpie avec lui. Elle le traitait avec sévérité mais sans cruauté, n'était jamais injuste ni violente. En fait, chaque fois qu'il faisait une bêtise ou allait à l'encontre de ses instructions, elle semblait d'autant plus ployer sous ce poids invisible, fermant les yeux comme pour se concentrer et refouler la douleur. Il ne manquait jamais de s'en rendre compte et, chaque fois, de ressentir cette souffrance comme si elle la sienne. Dans ces moments, il croyait percevoir le fardeau qu'elle portait et combien sa vie n'avait pas dû être facile. Alors tout naturellement il s'excusait et promettait que jamais il ne recommencerait, qu'il ferait mieux maintenant. Invariablement, il venait enlacer la vieille femme de ses petites mains enfantines, le visage triste, les yeux en larmes, honteux de son comportement. Ils restaient ainsi l'un contre l'autre, silencieux, comme craignant de briser ces moments en bougeant ou prononçant un mot.
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Les nuages dans le ciel étaient visiblement chargés. A observer, on se doutait que ça allait bientôt barder. L'hiver était déjà rude sur Ruusan, en plus de durer très longtemps. Jadis, le climat avait été bien plus doux et agréable mais les guerres passées avaient changé cela il y avait bien longtemps. Croyance lui avait expliqué de nombreuses fois mais il lui était toujours difficile de réaliser. Cela avait été déjà un choc d'apprendre pourquoi il avait, des années plus tôt, dû quitter la maison. Elle lui avait expliqué aussi. Elle lui avait dit que les histoires de Qu'un-Oeil étaient la stricte vérité, du moins pour un profane. Lui avait parlé des Jedi et des Sith et même évoqué l'Empire lointain dans le ciel. Lui avait révélé qu'il était, comme elle, détenteur d'un talent rarissime, celui de manier la Force. Lui avait expliqué ce qu'était la Force. De difficiles et incroyables révélations qui l'avaient troublé comme rien d'autre encore ne l'avait pu.
Alors en fait les guerriers de la Lumière c'était des Jedi ? Et les guerriers de l'Ombre des Sith ? Comment ça se fait qu'on en parle plus que comme des légendes maintenant ?
Le temps a des effets de ce genre sur les histoires. Encore plus sur un monde laissé à lui-même comme Ruusan. Et l'avènement de l'Empire n'a rien arrangé.
Bah pourquoi ?
L'Empire a tout fait et continue de tout faire pour nous faire disparaître, nous autres Jedi.
Bah pourquoi ? Vous... On a fait quoi de mal au juste ?
Croyance nota le « nous » sans faire de commentaire. En son for intérieur, ce simple mot lui avait fait l'effet d'une bombe, même si elle n'en était pas consciente.
L'Empereur et celle qui lui a succédé sont des Sith, Zeph. Nous sommes leurs ennemis jurés, rien que ça était pour eux une bonne raison de nous faire disparaître. Et quand on veut instaurer une tyrannie, mieux vaut s'assurer que ses ennemis soient tous morts pour ne pas nous en empêcher.
Mais c'est super cruel !
Oui, ça l'était. Mais allez donc expliquer ça de façon compréhensible à un gamin approchant à peine de l'adolescence et bercé par les histoires à dormir debout sur les Jedi et leurs ennemis.
La vie est cruelle, si tu pensais que chacun reçoit ce qu'il mérite, que les gentils gagnent et son récompensés et les méchants punis, je crains de devoir te ramener au monde réel.
Eh, vous êtes pas marrante vous. Et vous respirez pas la joie de vivre non plus.
J'ai vu mes amis se faire massacrer, sans parler d'innombrables innocents. Je ne m'en suis sortie que de justesse et j'ai atterri ici après des « aventures » dont je porte encore les cicatrices. Ça m'a passé l'envie de rire à tout va tu vois.
On pouvait dire qu'elle savait plomber l'ambiance. Mais Zeph ne pouvait pas vraiment le lui reprocher quelque part. Lui qui avait perdu son foyer et sa famille pouvait comprendre. Ou au moins essayer.
Mais du coup, ça fait quand même un mois qu'on se cache dans ces montagnes perdues au milieu de nulle part. On va rester là longtemps ? On va faire quoi ensuite ?
On va s'occuper de t'apprendre à utiliser la Force, jeune padawan.
Il avait eu 11 ans quelques semaines plus tôt.
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Zeph se disait qu'il allait connaître une mort probablement désagréable sous peu.
Ce n'était pas sa faute, il avait vraiment essayé de tout faire comme elle lui avait dit. Se concentrer assez pour ressentir la Force partout autour de lui, ça c'était le plus facile, depuis des mois qu'il s'y entraînait et galérait comme un fou. Essayer de visualiser le flux de la Force, ça commençait à se corser à partir de là parce que bon, soyons sérieux 2 minutes, comment on peut « voir » un truc qui techniquement n'a aucune consistance ? Et ensuite, il fallait plier ce flux à sa volonté mais pas trop quand même parce que le respect tout ça ? Hein ? Et quoi après ? Il commençait à se demander s'il avait bien écouté quand elle lui avait expliqué les bases du maniement de la Force. Il avait mal dormi la veille alors peut-être qu'au fond il avait un petit peu piqué du nez pendant la leçon. Mais c'était pas sa faute, pas vrai ? On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas être particulièrement attentif s'il manquait de sommeil, si ? Sans doute pas.
En tout cas ça n'allait pas empêcher qu'il allait probablement mourir aujourd'hui, dans peu de temps. Perspective peu agréable mine de rien, de son humble avis. La journée avait pourtant commencé sous les meilleurs auspices... Si on prenait en compte que c'était la belle vie de vivre dans des grottes, cavernes et autres endroits isolés fort peu confortables. Zeph étant un incorrigible optimiste, il avait choisi de voir le positif : exit la pollution (sur un monde si peu industrialisé que ça n'avait absolument aucun impact) nocive pour la santé, fini de devoir aller à l'école (à la place on se levait en même temps que le soleil et on se lavait à l'eau froide voire gelée), finis les devoirs (et bonjour les corvées quotidiennes bien pesantes), adieu les gens pas sympas avec lui (coucou la vieille ermite renfermée exigeante comme pas permis)... Ouais, que de bons côtés à cette nouvelle vie au milieu de nulle part. Le plaisir à l'état pur.
Ça avait vraiment bien commencé, passées les corvées post-réveil, il avait enfin eu du temps libre pendant que Croyance s'en allait leur trouver du gibier. Il ne savait pas trop comment elle s'y prenait, parfois elle allait chasser et l'emmenait même, quoique rarement. Parfois elle disparaissait de longues heures au point qu'il se demandait si elle n'allait pas jusqu'à un village quelconque dans les environs, quoiqu'il ne dut pas y en avoir beaucoup vu l'endroit paumé qu'ils occupaient. Et comme chaque fois qu'il avait du temps libre, il le consacrait à... La méditation, bien sûr ! Toujours l'exercice préféré de la jeunesse, oui ma bonne dame, parfaitement !
Encore que, sur ce point, Zeph était là encore assez différent des autres moufflets de son âge. Quoiqu'il adorât lui aussi jouer à toutes sortes de jeux aussi stupides qu'incroyablement amusants (selon les notions quelque peu bizarres des gosses), il était d'un naturel plutôt calme et tranquille. La peur, toujours présente dans leurs vies quant à la possibilité de se faire un jour attraper par les suppôts de l'Empire, ne parvenait jamais à le tétaniser au point de l'empêcher de penser à autre chose. Croyance encourageait dans une certaine mesure ce trait de caractère, arguant qu'il lui fallait pouvoir vivre une enfance à peu près normale. Il avait toujours l'impression qu'il existait une autre raison dont elle ne disait rien à ses encouragements.
Il allait donc probablement mourir. Mais comment donc, me demanderez-vous ? Eh bien parce que, comme chaque jour, il était en tailleur, assis par terre, se concentrant comme le lui avait appris Croyance, tentant de faire le vide dans son esprit et de rester aussi calme qu'alerte. En général, ça marchait. Plus ou moins bien. Il était difficile, même pour un gamin tranquille comme lui, de faire le vide et rester concentré, surtout sur une longue durée. Parfois, ça ne marchait tout simplement pas malgré tous ses efforts. Dans ces cas-là, il savait qu'il lui fallait passer à autre chose parce qu'il n'arriverait à rien pour la journée. Ce jour-là, ça avait marché... Un peu trop bien.
Cela avait commencé par la sensation confuse d'une présence quelque part dans son esprit. Comme la voix d'un vieil ami qui lui manquait depuis longtemps mais dont il était incapable d'entendre ni de comprendre les paroles. C'était pourtant sans importance car il sentait qu'il pouvait ressentir ces mots, quoi que ça puisse bien signifier. Cette voix l'attirait à elle, toujours plus chaque fois qu'il l'entendait. Il avait pris conscience qu'en fait, chaque séance de méditation pratiquée depuis des mois, il l'entendait. Seulement maintenant était-il capable d'y réagir. Aussi, poussé par la curiosité, il tendit la main pour la toucher. En pratique, il étendit son esprit, sa pensée, d'une façon qu'il ne comprenait pas. Ou était la vieille femme quand on avait besoin de ses lumières ? Pas là.
Ce qui se passa ensuite, il lui faudrait attendre le retour de Croyance pour qu'elle le lui explique parce que lui n'en avait pas eu la plus petite idée. Toujours est-il que d'un coup, ouvrant les yeux, il s'était retrouvé au-dessus d'un des rochers du toit de leur grotte du moment, d'un coup, comme ça. Dans une position franchement pas confortable puisqu'il pouvait à tout moment basculer pour aller se casser la figure quelques mètres plus bas. Sous réserve qu'il ne glisse pas du mauvais côté, sinon là ça se compterait en dizaines de mètres. Tout va bien se passer Zeph, ne t'inquiètes pas.
Évidemment, l'affaire le rendit légèrement inquiet. Juste un peu, rien de bien grave. Après tout, mourir c'est la vie, y a rien de bien dramatique. Disons qu'heureusement pour son orgueil, personne n'était là pour voir le spectacle d'un gamin hurlant et pleurant à chaudes larmes tant il avait la trouille. Et toujours pas de signe de retour de la vieille bique sinon c'est pas drôle ! Après un long moment passé à se lamenter et à maudire la vie, l'univers et tout le reste (sauf lui) pour sa situation problématique, le gamin tenta de se concentrer de nouveau, fermant les yeux pour méditer. Après tout, c'était comme ça qu'il était quand ça avait commencé alors...
O miracle, l'effet inverse fonctionna et, d'un coup, après ce qui sembla une éternité à rester immobile, pas loin de tomber de haut à tout instant, il rouvrit les yeux et se découvrit de nouveau sur le sol de la grotte, sain et sauf. Ce n'était finalement pas aujourd'hui qu'il allait mourir. Ouf ! Quand il allait raconter tout ça à Croyance alors ! Elle n'allait pas le croire !
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Il s'avèra qu'elle le crut plutôt facilement en fait. Par contre elle n'apprécia pas particulièrement le fait qu'il ait réagi de façon aussi stupide et inconsciente. Il eut droit à un savon mémorable et il s'en fallut de peu qu'il finisse sans repas du soir. Bon, le fait étant que vu leurs vies plutôt dénuées, c'eut été mauvais pour sa santé et c'était surement la seule chose qui l'empêcha de le punir aussi sévèrement. Le gamin, bien entendu, ne comprenait pas du tout ou était le souci. Il trouvait après coup que ça avait été formidablement drôle et il avait plutôt hâte de recommencer. Mais il n'était pas non plus inconscient au point de ne pas comprendre que bon, il faudrait quand même penser à lever le pied la prochaine fois. Confirmation immédiate de la part de la vieille femme.
Tu te rends compte du risque tu as pris au juste ? Tu as vraiment eu de la chance de ne pas te blesser ou pire ! Bon sang Zeph, utilise un peu ton cerveau !
Mais enfin, je vais bien alors il est ou le problème ! Y a pas eu mort d'homme !
Ça aurait très bien pu, espèce de sale petit filou !
Elle semblait sur le point de jurer, chose qu'il ne l'avait jamais vue faire depuis presque un an qu'il vivait avec. Signe qu'il avait effectivement déconné dans les grandes largeurs ?
Ben explique-moi dans ce cas ! Comme ça je recommencerai pas !
Tu as utilisé la Force de façon instinctive. Tu as agi sans réfléchir ni peser les conséquences de tes actes. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme ça qu'un Jedi doit se comporter.
Je suis pas un Jedi ! Je vois même pas comment je pourrais en devenir un d'ailleurs !
Parfois je me demande si tu n'es pas simplet. Je n'aurais jamais dû accepter de te recueillir...
Mais qu'est-ce que tu veux dire à la fin ? Comment veux-tu que je devienne un Jedi si j'ai personne pour m'apprendre à...
Oh. Zut. Il venait de piger. C'était pourtant tellement évident qu'il aurait dû le voir venir. Les pièces se mettaient en place. Ses rêves parfois durant son enfance. Ses facultés à ressentir certaines choses. La fuite de sa maison pour sa protection. L'incident de ce matin. Comment avait-il pu ne pas le comprendre.
Tu... Tu es un Jedi, c'est ça ?
A voix basse et sur un ton respectueux, légèrement apeuré. Pas de raison de la craindre pourtant mais réaction normale, à postériori.
Jadis, il y a bien longtemps. J'étais un Chevalier Jedi. Et puis l'Empire est arrivé, nous avons dû fuir ou mourir. Nous cacher pour survivre. Et voilà comment j'ai atterri sur Ruusan, dans ces montagnes reculées.
Elle lui raconta alors son histoire. Elle lui parla de l'Ancienne République. De la Guerre. De l'avènement de l'Empire. De la Purge avortée. Des Sith. Des Jedi. Elle lui raconta tout. Il sentait sa tête sur le point d'exploser sous le flot des questions qu'il mourait d'envie de lui poser. Quand elle eut enfin fini, faisant fi de sa fatigue et de l'heure tardive, il l'en bombardait sans s'arrêter. Il en était incapable. La curiosité propre à un enfant découvrant vivre avec un Jedi pouvant lui apprendre à en être était par trop inarrêtable. Elle lui répondit de son mieux, même si beaucoup de ses questions restèrent sans réponse ou incomplètes. Il en fut profondément frustré mais comprit qu'elle ne cherchait pas à lui berner. Il n'était pas encore prêt à tout comprendre, voilà tout. La seule vraie question qui comptait était celle dont il attendait et redoutait le plus la réponse.
Je vais devenir un Jedi moi aussi ?
Nom du Personnage : Zeph Mathuin
Race : Ruusanien
Âge : 34 ans
Planète d'origine : Ruusan
Métier : Chevalier Jedi en herbe
Faction : Nouvel Ordre Jedi
Description : En tant que Ruusanien, une branche presque-humaine ayant divergé de façon quasiment indécelable de l'humanité originelle, Zeph est physiquement semblable à des milliards de milliards d'humains lambdas. La peau blanche quoique légèrement plus pâle que la moyenne – la faute au climat quelque peu rigoureux de son monde natal – habille une chair plutôt pas à plaindre. Relativement musclé, le bonhomme n'est pas pour autant dénué de graisse, la faute à une tendance à profiter de la vie quelque peu éloignée des tradictions moniales voire austères diraient certains de ses compatriotes Jedi. Une barbe relativement fournie lui donne un air vaguement vaurien tandis que ses cheveux longs rattachés en une queue de cheval à l'arrière lui offrent une allure bien plus propre sur lui. Enfin, entre les yeux vairons qui peuvent mettre mal à l'aise pour qui n'est pas habitué à ce genre de spectacle et un visage toujours souriant et accueillant, on obtient là un individu respirant le paradoxe ambulant. Contraste profondément présent dans les tenues qu'il porte. S'il doit officier au sein du Temple de Coruscant ou quelque autre lieu « officiel », le Jedi s'échinera à porter bure et tenue Jedi sans discuter. Mais sortez-le du cadre strict de son boulot et vous le verrez préférer des tenues décontractées rappelant au choix un gangster du dimanche ou un joyeux lurron qui n'a aucun goût en matière de fringues. Inutile de dire qu'on se demande ce qu'il peut bien foutre au sein d'un ordre aussi féru d'apparence digne et de bienséance... Une question que le bougre se pose d'ailleurs souvent, au demeurant. Et n'a toujours pas la réponse au bout de 34 ans d'existence, on est pas rendus.
Histoire :
Le vent soufflait avec une telle force qu'on pouvait plutôt dire qu'il hurlait dans la vallée. L'hiver était tout proche, même si ça ne voulait plus dire grand-chose ici depuis un bon millier d'années au moins. En tout cas selon les anciens, les vieux qui vous racontaient leurs histoires aussi incroyables que terrifiantes, aussi géniales que bizarres, le soir au coin du feu, pendant que les tasses de synthécafé étaient en train d'être préparées par Tatie Cléclé et Oncle Doj. C'étaient ses moments préférés de la journée, le soir venu, après que le dîner eut été consommé, la vaisselle nettoyée, les devoirs terminés et que la nuit venait finalement jeter son manteau de minuit sur la voûte céleste de Ruusan. Alors il savait que le moment était venu et qu'enfin, corvées et obligations prenaient, temporairement, fin pour laisser place au partage et à la joie. Ce moment ou Oncle Doj, sans cesser de marmonner et maudire le vieux Qu'un-Oeil, conteur, grand-père et pique-assiette invétéré de son état, lui tendait le substitut de chocolat chaud tandis que Tatie Cléclé pour sa part, versait une généreuse rasade de la bibine locale – d'un incroyable mauvais goût au demeurant – à Qu'un-Oeil pour l'encourager.
Alors, quand il levait sa petite tête de gosse paumé et encore innocent vers le visage salement égratigné du vieil homme, quand il voyait dans l'unique orbite existante du bonhomme luire cette lueur qu'il avait appris à reconnaître aisément avec le temps, il savait que cette nuit encore, il parviendrait à s'endormir sans trop de mal. Les cauchemars ne le hanteraient pas, ni plus que la peur qui pourtant ne cessait jamais de le quitter en journée. Murmures et promesses se tairaient grâce à une simple petite histoire, ce simple moment de partage convivial qui avait une valeur que bien peu pouvaient soupçonner. Pas même les jurons marmonnés à voix basse pour ne pas que le gosse ne les entende ni ne les mémorise – vaine tentative, ça faisait bien longtemps que c'était le cas – d'Oncle Doj ni les régulières crises de ronflement de Qu'un-Oeil – qui effectivement s'endormait toutes les 5 minutes sur place, la faute à la bibine et le grand âge certainement – ne pouvaient entacher l'enthousiasme et l'impatience du mouflet.
Allez Qu'un-Oeil! Raconte-moi encore cette histoire !
Encore ? M'enfin p'tit gars, ça fait bien la millième fois que je te la raconte ! Tu t'en fatigues donc jamais ?
Non, je veux l'entendre encore et encore ! Elle est trop stylée !
Bon, si t'insistes gamin...
C'était alors là que la magie commençait d'opérer, quand le vieillard prenait soudainement une pose qu'il voulait probablement sage et un peu intimidante mais qui rendait passablement comique et ridicule le pauvre hère avant de se mettre à adopter la voix d'un conteur chevronné. Qu'un-Oeil, malgré tous ses défauts de vagabond sans le sou, d'ivrogne invétéré et d'arnaqueur effroyablement mauvais, savait comme personne raconter une histoire. On lui prêtait un passé de barde, même si personne au demeurant n'avait jamais pu lui expliquer ce que c'est qu'un barde. Pour Zeph, ça sonnait comme un genre de magicien ou sorcier. Ce qui, fort logiquement, le rapprochait indubitablement de ces héros qu'il avait appris à vénérer et dont il raffolait d'entendre exploits et légendes de la part dudit Qu'un-Oeil.
Alors le vieillard commença de raconter son histoire. Il parla d'un temps ancien de Ruusan ou la terre comme le paysage avaient été luxuriants et agréables. Forêts et océans paisibles abondaient en ce monde qui était d'une tranquillité rare. Les gens y vivaient en paix et s'il y avait parfois quelques conflits entre voisins, jamais ils n'allaient plus loin qu'insultes et éventuellement bagarres brèves. Les riches métaux dans le sol de leur monde leur permettait de vivre convenablement et nul, au demeurant, n'aurait pu penser qu'un jour les choses changeraient. Génération après génération, on vivait heureux et en paix.
Comme à chaque fois, le petit garçon se prit à rêver de cette belle époque depuis longtemps révolue. Il essayait de s'imaginer comment Ruusan devait être aussi belle qu'agréable à vivre mais peinait à se la représenter. Du haut de ses 6 ans, il était tout simplement trop jeune pour y parvenir, son imagination bien que fertile n'était pas suffisante pour combler les trous. Mais cela ne le décourageait jamais à essayer, quand bien même c'était vain. Ainsi en allait-il chez les enfants, jamais à court d'énergie et de raisons de la gaspiller, surtout si c'était dans le vide.
Puis Qu'un-Oeil évoquait alors l'Ombre avec un gros O qui avait finalement posé ses yeux jaloux et envieux sur leur monde. Il parlait de ces méchants hommes et femmes qui avaient désiré tout ce qu'était Ruusan parce que, selon lui, eux-mêmes ne l'avaient pas et ne supportaient pas que d'autres l'eussent en abondance. Là non plus, Zeph ne comprenait pas, bien qu'il ne mit jamais en doute les paroles du conteur. Pourquoi donc ces méchantes personnes voulaient-elles prendre ce que les siens avaient ? Il eut été plus simple de demander à partager, non ? Il ne doutait pas que s'ils l'avaient fait, le problème aurait été réglé rapidement et sans soucis.
Selon Qu'un-Oeil, les gens de l'Ombre n'avaient cure de tout cela. Ils ne voulaient ni partager ni demander. Ils prenaient ce qu'ils voulaient, à qui ils voulaient, comme ils le voulaient et quand ils le voulaient. C'était pour ça qu'ils étaient de l'Ombre après tout. Et ils avaient pris sans se gêner, le vieil homme prenait alors un ton sombre tout en toussant pour évoquer les multiples maléfices magiques, moqueries et mauvais tours dont ils tourmentaient les habitants de Ruusan. Dans leur jalousie, disait-il, ils étaient résolus à faire souffrir ceux qui avaient ce dont ils manquaient et à leur rendre la vie dure.
Tant les images évoquées par Qu'un-Oeil que son récit très imaginatif de ce que ceux de l'Ombre infligeaient aux natifs ne cessaient jamais de terrifier le gamin qui se mettait à trembler si fort qu'il fallait toujours l'intervention de sa tatie pour le calmer. Assez pour que le récit reprenne. Ce que l'enfant n'osait pas avouer, n'oserait jamais avouer à quiconque, c'était qu'il parvenait à se représenter parfaitement ce dont parlait le conteur. Il n'aurait su dire comment mais dans sa tête se formait une vision très précise de ces hommes et femmes de différentes races, engoncés dans leurs armures d'un noir plus noir que la nuit et de leurs épées rouges vibrantes de colère. Il voyait leurs yeux d'un jaune malfaisant et leurs sourires mauvais tandis qu'ils pointaient leurs épées en avant, condamnant par ce geste ses ancêtres innocents. Et le feu et la mort tombaient irrémédiablement du ciel comme la pluie tombe des nuages, causant mort et destruction. C'était cela, bien plus encore que les mots du conteur, qui terrifiaient toujours l'enfant.
Puis venait le retournement, quand Qu'un-Oeil, sitôt qu'on l'eut une nouvelle fois réveillé, racontait ces guerriers de Lumière, ces hommes et femmes d'un blanc étincelant, qui arrivaient eux aussi, comme ceux de l'Ombre, du ciel au-delà de leur ciel. Eux ne partageaient ni la cruauté ni la malveillance de ceux de l'Ombre dont ils étaient les ennemis. Et bien qu'ils maniaient également des épées brillantes, les leurs étaient du bleu et du vert de la plus grande pureté. Quand ils posaient leurs yeux sur les habitants de Ruusan, c'était la pitié, la compassion et la gentillesse qui s'y lisait. Ils comprenaient la douleur des pauvres gens et étaient là pour les aider. Pour les protéger. Pour les sauver.
« Cette guerre de la Lumière contre les Ténèbres se terminera ici même sur Ruusan mes frères et sœurs. Et notre devoir est, comme il le sera toujours, d'en protéger les faibles et les innocents afin que jamais plus ils ne souffrent. »
Tels étaient les mots, selon Qu'un-Oeil, du légendaire chef des chevaliers de Lumière le jour de son arrivée. Des mots qui avaient profondément touché le petit garçon dès la première fois qu'il les eut entendus. Chaque nuit durant, il se prenait à rêver combien ce devait être fabuleux d'être l'un de ces paladins de la Lumière, ces preux chevaliers et chevalières qui protégeaient leur prochain contre les terribles et cruels gens de l'Ombre. Il s'imaginait lui-même avec sa proprée épée de lumière, bravant le danger et les méchants, vivant de grandes aventures trépidantes.
Par la suite, Qu'un-Oeil se fendait d'un ton quelque peu triste, racontant les longues et nombreuses batailles entre les forces de la Lumière et de l'Ombre pour le contrôle de Ruusan. Les premiers voulant tant la défendre qu'en défendre les habitants tandis que les seconds voulaient tout anéantir. Puis venait irrémédiablement la plus grande et la plus terrible des batailles entre toutes, la dernière. Celle qui avait permis de vaincre les guerriers de l'Ombre mais à un terrible prix. Ruusan en avait été ravagée et transformée à jamais tandis que nombre de ses habitants n'y survécurent pas, particulièrement les Bondissants. Les guerriers de la Lumière eux-mêmes payèrent cher cette victoire mais ils ne s'en plaignirent jamais pour autant. Leur devoir de protection était accompli et ils repartirent, laissant les natifs reprendre leur vie après leur avoir porté assistance le temps que les choses s'arrangent suffisamment.
Je m'aperçois avec le recul, en repensant à cette époque, combien j'étais aussi naïf que stupide. Un gamin ignorant de tout, de la galaxie évoluant autour de son petit monde insignifiant à son propre monde natal. Pourtant, je n'arrive toujours pas à me le reprocher. Après tout, comment en vouloir à un gamin de s'imaginer tant les plus terribles que les plus belles choses ? Jamais les choses ne sont aussi simples ni ne l'ont jamais été. Et je me prend souvent à le regretter. Ce rôle qui nous incombe à nous autres est un lourd fardeau que nous acceptons pleinement mais bien peu d'entre nous comprennent réellement tant les sacrifices que les devoirs qui nous incombent. Je soupçonne que même parmi le Conseil, cette vision des choses est parfois perdue de vue.
Maître Mathuin ?
Hein ? Ah, pardon, excuse-moi, que disais-tu jeune Boubou ?
Maître !
Oh, tu n'aimes pas ce surnom ? Je ne vois pas ce que tu lui trouves pourtant, il est mignon. Et il te va bien en plus. On ne peut pas en dire autant de ton camarade Mather. Il paraît qu'on le surnomme Gobelin, imagine un peu vivre avec ça...
Maître Mathuin, pourquoi vous n'êtes pas gentil avec moi ?
Parce que ça ne fait pas partie de mon boulot de formateur. Du reste, je ne vois pas comment tu pourrais trouver meilleur que moi. Bref, ou en étais-je déjà ?
Vous parliez de Ruusan...
Exact. Et la jeune padawan parfaitement éduquée que tu es va donc pouvoir m'en dire un peu plus n'est-ce pas ?
La petite Mirialan, du haut de ses 11 ans, était aussi adorable qu'on pouvait s'y attendre. Quand il la regardait, il voyait l'avenir de l'Ordre. Une vie si fragile mais si pure, si empreinte d'un potentiel infini. Comme lui l'avait été en son jeune temps. Elle était comme un chrysalide en formation dont émergerait un jour prochain une magnifique créature. Il n'avait pas de doute sur la padawan, elle deviendrait un jour une authentique Chevalier Jedi digne de ce nom qui porterait avec fierté son titre et aiderait à rendre la galaxie meilleure pour tous. Il trouvait toujours profondément amusante la façon dont elle fronçait les sourcils lorsqu'elle réfléchissait intensément comme elle le faisait actuellement. Il voyait à son maintien raide comme un piquet qu'elle se débattait avec ce qu'elle voulait dire, incertaine de donner ou non la réponse qu'il attendait d'elle.
Yvraine, dit-il avec douceur et sur un ton paternel, je te sens quelque peu inquiète. De quoi as-tu peur ?
Je ne suis pas certaine de savoir ce qu'il faut répondre, Maître.
Avoir peur, c'est normal, Yvraine. Mais tu n'as rien à craindre de moi tu le sais. N'aie pas peur d'agir, agis. Ne pense pas trop, fais. Il n'y a pas d'émotion, il y a la paix. Une mauvaise réponse est toujours mieux que pas de réponse du tout. C'est en essayant et en échouant que tu t'amélioreras. Je t'écoute.
Ben, j'ai lu quelques holodisques dans la bibliothèque sur le sujet mais ça n'en disait pas grand-chose. Je crois que c'était le lieu d'une grande bataille entre les anciens Jedi et les Sith il y a un peu près 1000 ans c'est ça ?
Exact, jeune padawan. Tu vois, tu n'avais pas à craindre de mauvaise réponse. Peux-tu me dire pourquoi ils s'y sont affrontés ?
Oh, ça je crois que c'était précisé ! Euh... Parce que c'était situé à un carrefour strat... Stratr... Stratégique ?
Oui mais non. Je ne te demande pas pourquoi ils se sont affrontés sur Ruusan, je te demande pourquoi ils se sont affrontés.
L'incompréhension emplit les yeux de la Mirialan.
Je ne comprend pas Maître.
Pourquoi Jedi et Sith se sont affrontés, padawan Yvraine ?
Parce que ça a toujours été comme ça entre eux et nous, non ?
C'était et ça n'était pas une bonne réponse. Mais elle avait le mérite d'être pertinente. Et cette interrogation à la fin signifiait que la jeune fille se posait elle-même la question, ce qui était bon signe. Savoir se poser les bonnes questions était toujours une excellente chose dans la vie de tous les jours et plus encore chez un Jedi.
Et pourquoi est-ce que ça a toujours été comme ça au juste ?
Parce que nous sommes gentils et eux méchants ?
Haaaa, jeune padawan, comme j'aimerais que les choses soient aussi simples. Disons que tu n'as pas complètement tort dans le fond mais sur la forme par contre...
Que voulez-vous dire Maître ?
J'imagine que tu connais un peu l'histoire tant des Jedi que des Sith. Tu sais qui ils sont et quels sont leurs objectifs tout comme pour nous. On a dû te l'apprendre en classe.
Maître Vos a évoqué le sujet à de nombreuses reprises oui.
M'étonne pas, cet ancêtre nous enterrera tous au train ou vont les choses... Euh oublie ce que je viens de dire, faudrait pas qu'il en ait vent.
Mais je ne comprend pas pourquoi ils sont comme ça, Maître.
Les Sith ? C'est plutôt simple. Que ressens-tu lorsque tu utilises la Force ?
Nouveau froncement de sourcils trahissant la réflexion. Il faut dire que demander à un enfant, même un padawan formé par de talentueux Maîtres et Chevaliers Jedi, de décrire ce qu'il ressentait, encore plus dans un domaine aussi abstrait que la Force, était rien de moins que de tenter de décrocher la lune.
Je sais pas trop Maître. Je me sens... Bien ? Contente ? Je trouve ça excitant et super cool en fait ! C'est pas bien ?
Il n'y a pas de honte à l'avouer. C'est toujours ainsi au début, particulièrement à ton âge. Tu sais pourquoi tu ressens ces choses ?
Non Maître.
Parce que tu réalises, outre le fait que c'est génial de pouvoir soulever un petit caillou dans l'air d'un geste de la main, que ça fait de toi quelqu'un d'unique. D'incroyable. Tu n'es pas comme la plupart des autres et c'est quelque chose d'indescriptible. Tu réalises, sans pouvoir y mettre les mots, combien ce pouvoir qui est en toi te rend différente et supérieure aux autres. Et c'est là qu'est le piège, là que réside la différence fondamentale entre Jedi et Sith.
Comment ça ?
Nous sommes tout à fait conscients du pouvoir qui est le nôtre, de la puissance que nous seuls parmi tous, pouvons manier. Nous savons qu'elle fait de nous des êtres à part. Les Sith le savent aussi. Mais là ou ils choisissent d'y voir une preuve de leur supériorité, de leur bon droit à faire ce qu'ils veulent à qui ils veulent comme ils le veulent, nous y voyons une responsabilité. Nous croyons que ce pouvoir doit être manié avec parcimonie et respect, pour le bien des autres et non le nôtre. Nous acceptons de servir et protéger, pas de dominer et abuser. Tu comprends ce que j'essaie de te dire ?
Je crois, vous voulez dire que c'est pas parce qu'on peut faire voler un caillou que ça nous donne le droit de le lancer sur notre voisin sous prétexte qu'il a pas voulu nous donner son goûter !
Zeph gratifia la Mirialan d'un sourire éclatant et bienveillant, presque paternel. La jeunesse avait une innocence et une honnêteté qui ne laissait jamais de l'amuser et le surprendre. Que n'aurait-il pas donné parfois pour retourner à cette époque de sa vie et redécouvrir une chose qui lui manquait chaque année un peu plus.
Excellent jeune padawan, tu as bien appris ta leçon ! Et maintenant, que dirais-tu de passer à la pratique ? Montre-moi combien de temps tu peux soulever ce coussin en te concentrant. Si tu réussis bien ce petit exercice, il est même possible que je me laisse tenter de t'emmener faire un tour dans l'un de nos chasseurs...
[b]Oh oui alors ! Je vous décevrai pas Maître Mathuin !
Ils étaient finalement venus le prendre, comme Oncle Doj et Tatie Cléclé avait toujours dit que ça finirait par arriver. Même un endroit aussi paumé et ignoré que Ruusan ne pouvait éternellement rester à l'abri de leurs oreilles. Un lieu aussi chargé d'histoire n'avait pu que leur revenir en tête et il n'avait pas dû leur être difficile de réaliser combien, par sa valeur symbolique, ce monde pouvait être un excellent refuge pour les proies qu'ils pourchassaient inlassablement. Rien d'étonnant à ce qu'ils furent parvenus à semblable conclusion au fond. Entre les colonies de Bondissants capables d'user de la Force d'une façon bien mystérieuse et la Vallée des Jedi, mémorial de l'ultime et terrible bataille entre l'Armée de la Lumière et la Confrérie des Ténèbres, Ruusan avait été marquée par l'empreinte de la Force. Une attention dont ses habitants se seraient bien passés. Tout gamin qu'il était, il avait une nuit surpris l'Oncle Doj évoquer leur nom à voix basse tandis qu'il discutait avec sa tatie du meilleur moyen de le protéger. Les Inquisiteurs de l'Empire. Si isolée que fut Ruusan et laissée livrée à elle-même, il lui aurait été impossible d'ignorer ce qu'était l'Empire. Après tout, elle en faisait partie bon gré mal gré. Oh bien sûr, en dehors d'une très petite garnison et d'un Moff, il n'y avait guère de présence impériale à la surface. C'aurait été purement inutile que de laisser plus de troupes pour un monde si peu peuplé et qui n'avait cure de qui tenait les rênes tant qu'on le laissait tranquille. Une chose rare pour la plus grande tyrannie galactique et qui, curieusement, avait eu lieu.
Pour les Inquisiteurs en revanche, c'était plus difficile à dire. L'Empire en lui-même était déjà un dirigeant lointain et assez nébuleux alors autant dire que son fonctionnement comme ses institutions étaient un vrai mystère. Et bien plus encore l'étaient ses plus secrètes organisations. Mais, il ne savait comment, Oncle Doj en savait un peu sur eux. Pas grand-chose, des rumeurs au plus. Mais bien assez pour savoir que son neveu était en danger et le serait toujours tant que l'Empire vivrait. Ou tant que lui-même n'aurait pas trouvé un endroit sûr ou s'en cacher. Pieux vœu mais bien irréalisable hélas.
Il n'avait jamais su exactement ce qui avait décidé son oncle à agir. Des suppositions à partir de souvenirs, des années après les faits, l'avaient mené à penser que peut-être, quelqu'un avait parlé du gamin et ses petits tours de passe-passe innocents aux mauvaises personnes. Et que celles-ci avaient transmis l'info à qui de droit, les poussant à faire le déplacement. Toujours est-il qu'à ce moment, Zeph était déjà loin, à l'autre bout de Ruusan en compagnie d'une vieille femme dont il ne savait strictement rien, pas même le nom. Oncle Doj et Tatie Cléclé lui avaient simplement expliqué que dorénavant il lui faudrait partir avec elle.
Pour combien de temps ? Avait-il demandé. Pour toujours, lui avait-on répondu. Quand reviendrait-il alors à la maison ? Jamais. Il avait aperçu à ce moment les flocons de neige qui se déversaient sur les joues de sa tante et avait réalisé qu'elle pleurait silencieusement en s'efforçant de le cacher. A ce moment, en se concentrant, il avait ressenti une profonde peine dont il avait été certain, sans bien savoir comment, qu'elle était tant la sienne que celle de son oncle et tante. Cela lui avait brisé le cœur de les voir dans cet état à cause de lui. Il réaliserait plus tard que ce n'était pas lui le fautif mais ça n'en rendrait pas les choses plus faciles à accepter.
Il n'avait jamais su non plus ce qu'ils étaient devenus. Ils avaient refusé de venir avec lui, arguant que si on ne trouvait plus personne chez eux, les soupçons se porteraient immédiatement sur eux. La vieille femme avait acquiescé mais pour Zeph, ça avait semblé complètement idiot. Si c'était lui qu'on cherchait chez eux, qu'ils fussent présents ou non n'allait rien changer aux soupçons des étrangers, à partir du moment ou lui-même n'y serait pas. Ce n'était que des années plus tard, une fois qu'il aurait suffisamment grandi, qu'il comprendrait. Son oncle et sa tante avaient simplement décidé de le protéger en se sacrifiant pour brouiller les pistes. Ça non plus ça n'avait pas été facile à accepter. Qu'est-ce qu'il avait de si spécial qui valut qu'on y perdre la vie pour le protéger ?
Tu représentes l'avenir, Zeph. Nous sommes le passé. Sans toi, il n'y aura plus rien.
La vieille femme dont jamais il n'avait su le nom, qu'il avait fini par surnommer Croyance avec le temps, lui avait dit cela lorsqu'il lui avait posé la question alors qu'ils se cachaient au fond d'une grotte parmi les montagnes, du côté le moins hospitalier de Ruusan. Sans doute ceux à leurs trousses avaient-ils cru qu'ils iraient se cacher aux environs de la Vallée des Jedi, un lieu autrefois saint mais maintenant à l'abandon, entre autres à cause des superstitions en vigueur depuis des générations mais qui n'auraient nullement effrayé leurs traqueurs. Pourtant, pas une fois Croyance n'avait-elle fanfaronné ni fait la surdouée, bien au contraire. Ployant sous le joug d'un poids invisible qu'elle seule semblait voir, à ce qui lui semblait, elle n'avait cessé de l'encourager, non sans une certaine douceur, à ne pas regarder en arrière et aller de l'avant.
La douleur c'est difficile Zeph, je le sais bien. Mais tu leur rendras service autant qu'à toi en les laissant dans tes souvenirs. Tu dois les oublier. J'aurais souhaité qu'il en soit autrement mais cette galaxie n'est pas tendre avec nous. Et elle ne nous laissera aucun droit à l'erreur.
Plus facile à dire qu'à faire un pour un gamin d'à peine 10 ans dont on venait de l'arracher au seul foyer qu'il ait connu, pour une raison obscure et pour le plonger dans un nouveau monde dont il ne savait rien, avec une étrangère qui lui faisait peur. Non qu'elle fut une harpie avec lui. Elle le traitait avec sévérité mais sans cruauté, n'était jamais injuste ni violente. En fait, chaque fois qu'il faisait une bêtise ou allait à l'encontre de ses instructions, elle semblait d'autant plus ployer sous ce poids invisible, fermant les yeux comme pour se concentrer et refouler la douleur. Il ne manquait jamais de s'en rendre compte et, chaque fois, de ressentir cette souffrance comme si elle la sienne. Dans ces moments, il croyait percevoir le fardeau qu'elle portait et combien sa vie n'avait pas dû être facile. Alors tout naturellement il s'excusait et promettait que jamais il ne recommencerait, qu'il ferait mieux maintenant. Invariablement, il venait enlacer la vieille femme de ses petites mains enfantines, le visage triste, les yeux en larmes, honteux de son comportement. Ils restaient ainsi l'un contre l'autre, silencieux, comme craignant de briser ces moments en bougeant ou prononçant un mot.
Les nuages dans le ciel étaient visiblement chargés. A observer, on se doutait que ça allait bientôt barder. L'hiver était déjà rude sur Ruusan, en plus de durer très longtemps. Jadis, le climat avait été bien plus doux et agréable mais les guerres passées avaient changé cela il y avait bien longtemps. Croyance lui avait expliqué de nombreuses fois mais il lui était toujours difficile de réaliser. Cela avait été déjà un choc d'apprendre pourquoi il avait, des années plus tôt, dû quitter la maison. Elle lui avait expliqué aussi. Elle lui avait dit que les histoires de Qu'un-Oeil étaient la stricte vérité, du moins pour un profane. Lui avait parlé des Jedi et des Sith et même évoqué l'Empire lointain dans le ciel. Lui avait révélé qu'il était, comme elle, détenteur d'un talent rarissime, celui de manier la Force. Lui avait expliqué ce qu'était la Force. De difficiles et incroyables révélations qui l'avaient troublé comme rien d'autre encore ne l'avait pu.
Alors en fait les guerriers de la Lumière c'était des Jedi ? Et les guerriers de l'Ombre des Sith ? Comment ça se fait qu'on en parle plus que comme des légendes maintenant ?
Le temps a des effets de ce genre sur les histoires. Encore plus sur un monde laissé à lui-même comme Ruusan. Et l'avènement de l'Empire n'a rien arrangé.
Bah pourquoi ?
L'Empire a tout fait et continue de tout faire pour nous faire disparaître, nous autres Jedi.
Bah pourquoi ? Vous... On a fait quoi de mal au juste ?
Croyance nota le « nous » sans faire de commentaire. En son for intérieur, ce simple mot lui avait fait l'effet d'une bombe, même si elle n'en était pas consciente.
L'Empereur et celle qui lui a succédé sont des Sith, Zeph. Nous sommes leurs ennemis jurés, rien que ça était pour eux une bonne raison de nous faire disparaître. Et quand on veut instaurer une tyrannie, mieux vaut s'assurer que ses ennemis soient tous morts pour ne pas nous en empêcher.
Mais c'est super cruel !
Oui, ça l'était. Mais allez donc expliquer ça de façon compréhensible à un gamin approchant à peine de l'adolescence et bercé par les histoires à dormir debout sur les Jedi et leurs ennemis.
La vie est cruelle, si tu pensais que chacun reçoit ce qu'il mérite, que les gentils gagnent et son récompensés et les méchants punis, je crains de devoir te ramener au monde réel.
Eh, vous êtes pas marrante vous. Et vous respirez pas la joie de vivre non plus.
J'ai vu mes amis se faire massacrer, sans parler d'innombrables innocents. Je ne m'en suis sortie que de justesse et j'ai atterri ici après des « aventures » dont je porte encore les cicatrices. Ça m'a passé l'envie de rire à tout va tu vois.
On pouvait dire qu'elle savait plomber l'ambiance. Mais Zeph ne pouvait pas vraiment le lui reprocher quelque part. Lui qui avait perdu son foyer et sa famille pouvait comprendre. Ou au moins essayer.
Mais du coup, ça fait quand même un mois qu'on se cache dans ces montagnes perdues au milieu de nulle part. On va rester là longtemps ? On va faire quoi ensuite ?
On va s'occuper de t'apprendre à utiliser la Force, jeune padawan.
Il avait eu 11 ans quelques semaines plus tôt.
Zeph se disait qu'il allait connaître une mort probablement désagréable sous peu.
Ce n'était pas sa faute, il avait vraiment essayé de tout faire comme elle lui avait dit. Se concentrer assez pour ressentir la Force partout autour de lui, ça c'était le plus facile, depuis des mois qu'il s'y entraînait et galérait comme un fou. Essayer de visualiser le flux de la Force, ça commençait à se corser à partir de là parce que bon, soyons sérieux 2 minutes, comment on peut « voir » un truc qui techniquement n'a aucune consistance ? Et ensuite, il fallait plier ce flux à sa volonté mais pas trop quand même parce que le respect tout ça ? Hein ? Et quoi après ? Il commençait à se demander s'il avait bien écouté quand elle lui avait expliqué les bases du maniement de la Force. Il avait mal dormi la veille alors peut-être qu'au fond il avait un petit peu piqué du nez pendant la leçon. Mais c'était pas sa faute, pas vrai ? On ne pouvait pas lui reprocher de ne pas être particulièrement attentif s'il manquait de sommeil, si ? Sans doute pas.
En tout cas ça n'allait pas empêcher qu'il allait probablement mourir aujourd'hui, dans peu de temps. Perspective peu agréable mine de rien, de son humble avis. La journée avait pourtant commencé sous les meilleurs auspices... Si on prenait en compte que c'était la belle vie de vivre dans des grottes, cavernes et autres endroits isolés fort peu confortables. Zeph étant un incorrigible optimiste, il avait choisi de voir le positif : exit la pollution (sur un monde si peu industrialisé que ça n'avait absolument aucun impact) nocive pour la santé, fini de devoir aller à l'école (à la place on se levait en même temps que le soleil et on se lavait à l'eau froide voire gelée), finis les devoirs (et bonjour les corvées quotidiennes bien pesantes), adieu les gens pas sympas avec lui (coucou la vieille ermite renfermée exigeante comme pas permis)... Ouais, que de bons côtés à cette nouvelle vie au milieu de nulle part. Le plaisir à l'état pur.
Ça avait vraiment bien commencé, passées les corvées post-réveil, il avait enfin eu du temps libre pendant que Croyance s'en allait leur trouver du gibier. Il ne savait pas trop comment elle s'y prenait, parfois elle allait chasser et l'emmenait même, quoique rarement. Parfois elle disparaissait de longues heures au point qu'il se demandait si elle n'allait pas jusqu'à un village quelconque dans les environs, quoiqu'il ne dut pas y en avoir beaucoup vu l'endroit paumé qu'ils occupaient. Et comme chaque fois qu'il avait du temps libre, il le consacrait à... La méditation, bien sûr ! Toujours l'exercice préféré de la jeunesse, oui ma bonne dame, parfaitement !
Encore que, sur ce point, Zeph était là encore assez différent des autres moufflets de son âge. Quoiqu'il adorât lui aussi jouer à toutes sortes de jeux aussi stupides qu'incroyablement amusants (selon les notions quelque peu bizarres des gosses), il était d'un naturel plutôt calme et tranquille. La peur, toujours présente dans leurs vies quant à la possibilité de se faire un jour attraper par les suppôts de l'Empire, ne parvenait jamais à le tétaniser au point de l'empêcher de penser à autre chose. Croyance encourageait dans une certaine mesure ce trait de caractère, arguant qu'il lui fallait pouvoir vivre une enfance à peu près normale. Il avait toujours l'impression qu'il existait une autre raison dont elle ne disait rien à ses encouragements.
Il allait donc probablement mourir. Mais comment donc, me demanderez-vous ? Eh bien parce que, comme chaque jour, il était en tailleur, assis par terre, se concentrant comme le lui avait appris Croyance, tentant de faire le vide dans son esprit et de rester aussi calme qu'alerte. En général, ça marchait. Plus ou moins bien. Il était difficile, même pour un gamin tranquille comme lui, de faire le vide et rester concentré, surtout sur une longue durée. Parfois, ça ne marchait tout simplement pas malgré tous ses efforts. Dans ces cas-là, il savait qu'il lui fallait passer à autre chose parce qu'il n'arriverait à rien pour la journée. Ce jour-là, ça avait marché... Un peu trop bien.
Cela avait commencé par la sensation confuse d'une présence quelque part dans son esprit. Comme la voix d'un vieil ami qui lui manquait depuis longtemps mais dont il était incapable d'entendre ni de comprendre les paroles. C'était pourtant sans importance car il sentait qu'il pouvait ressentir ces mots, quoi que ça puisse bien signifier. Cette voix l'attirait à elle, toujours plus chaque fois qu'il l'entendait. Il avait pris conscience qu'en fait, chaque séance de méditation pratiquée depuis des mois, il l'entendait. Seulement maintenant était-il capable d'y réagir. Aussi, poussé par la curiosité, il tendit la main pour la toucher. En pratique, il étendit son esprit, sa pensée, d'une façon qu'il ne comprenait pas. Ou était la vieille femme quand on avait besoin de ses lumières ? Pas là.
Ce qui se passa ensuite, il lui faudrait attendre le retour de Croyance pour qu'elle le lui explique parce que lui n'en avait pas eu la plus petite idée. Toujours est-il que d'un coup, ouvrant les yeux, il s'était retrouvé au-dessus d'un des rochers du toit de leur grotte du moment, d'un coup, comme ça. Dans une position franchement pas confortable puisqu'il pouvait à tout moment basculer pour aller se casser la figure quelques mètres plus bas. Sous réserve qu'il ne glisse pas du mauvais côté, sinon là ça se compterait en dizaines de mètres. Tout va bien se passer Zeph, ne t'inquiètes pas.
Évidemment, l'affaire le rendit légèrement inquiet. Juste un peu, rien de bien grave. Après tout, mourir c'est la vie, y a rien de bien dramatique. Disons qu'heureusement pour son orgueil, personne n'était là pour voir le spectacle d'un gamin hurlant et pleurant à chaudes larmes tant il avait la trouille. Et toujours pas de signe de retour de la vieille bique sinon c'est pas drôle ! Après un long moment passé à se lamenter et à maudire la vie, l'univers et tout le reste (sauf lui) pour sa situation problématique, le gamin tenta de se concentrer de nouveau, fermant les yeux pour méditer. Après tout, c'était comme ça qu'il était quand ça avait commencé alors...
O miracle, l'effet inverse fonctionna et, d'un coup, après ce qui sembla une éternité à rester immobile, pas loin de tomber de haut à tout instant, il rouvrit les yeux et se découvrit de nouveau sur le sol de la grotte, sain et sauf. Ce n'était finalement pas aujourd'hui qu'il allait mourir. Ouf ! Quand il allait raconter tout ça à Croyance alors ! Elle n'allait pas le croire !
Il s'avèra qu'elle le crut plutôt facilement en fait. Par contre elle n'apprécia pas particulièrement le fait qu'il ait réagi de façon aussi stupide et inconsciente. Il eut droit à un savon mémorable et il s'en fallut de peu qu'il finisse sans repas du soir. Bon, le fait étant que vu leurs vies plutôt dénuées, c'eut été mauvais pour sa santé et c'était surement la seule chose qui l'empêcha de le punir aussi sévèrement. Le gamin, bien entendu, ne comprenait pas du tout ou était le souci. Il trouvait après coup que ça avait été formidablement drôle et il avait plutôt hâte de recommencer. Mais il n'était pas non plus inconscient au point de ne pas comprendre que bon, il faudrait quand même penser à lever le pied la prochaine fois. Confirmation immédiate de la part de la vieille femme.
Tu te rends compte du risque tu as pris au juste ? Tu as vraiment eu de la chance de ne pas te blesser ou pire ! Bon sang Zeph, utilise un peu ton cerveau !
Mais enfin, je vais bien alors il est ou le problème ! Y a pas eu mort d'homme !
Ça aurait très bien pu, espèce de sale petit filou !
Elle semblait sur le point de jurer, chose qu'il ne l'avait jamais vue faire depuis presque un an qu'il vivait avec. Signe qu'il avait effectivement déconné dans les grandes largeurs ?
Ben explique-moi dans ce cas ! Comme ça je recommencerai pas !
Tu as utilisé la Force de façon instinctive. Tu as agi sans réfléchir ni peser les conséquences de tes actes. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas comme ça qu'un Jedi doit se comporter.
Je suis pas un Jedi ! Je vois même pas comment je pourrais en devenir un d'ailleurs !
Parfois je me demande si tu n'es pas simplet. Je n'aurais jamais dû accepter de te recueillir...
Mais qu'est-ce que tu veux dire à la fin ? Comment veux-tu que je devienne un Jedi si j'ai personne pour m'apprendre à...
Oh. Zut. Il venait de piger. C'était pourtant tellement évident qu'il aurait dû le voir venir. Les pièces se mettaient en place. Ses rêves parfois durant son enfance. Ses facultés à ressentir certaines choses. La fuite de sa maison pour sa protection. L'incident de ce matin. Comment avait-il pu ne pas le comprendre.
Tu... Tu es un Jedi, c'est ça ?
A voix basse et sur un ton respectueux, légèrement apeuré. Pas de raison de la craindre pourtant mais réaction normale, à postériori.
Jadis, il y a bien longtemps. J'étais un Chevalier Jedi. Et puis l'Empire est arrivé, nous avons dû fuir ou mourir. Nous cacher pour survivre. Et voilà comment j'ai atterri sur Ruusan, dans ces montagnes reculées.
Elle lui raconta alors son histoire. Elle lui parla de l'Ancienne République. De la Guerre. De l'avènement de l'Empire. De la Purge avortée. Des Sith. Des Jedi. Elle lui raconta tout. Il sentait sa tête sur le point d'exploser sous le flot des questions qu'il mourait d'envie de lui poser. Quand elle eut enfin fini, faisant fi de sa fatigue et de l'heure tardive, il l'en bombardait sans s'arrêter. Il en était incapable. La curiosité propre à un enfant découvrant vivre avec un Jedi pouvant lui apprendre à en être était par trop inarrêtable. Elle lui répondit de son mieux, même si beaucoup de ses questions restèrent sans réponse ou incomplètes. Il en fut profondément frustré mais comprit qu'elle ne cherchait pas à lui berner. Il n'était pas encore prêt à tout comprendre, voilà tout. La seule vraie question qui comptait était celle dont il attendait et redoutait le plus la réponse.
Je vais devenir un Jedi moi aussi ?