- ven. 28 juin 2019 09:25
#35722
Laissé seul pour dormir, il n'y parvint pas avant longtemps, perdu dans les innombrables pensées qui menaçaient de lui griller le cerveau. Il lui était difficile de concevoir ce qui lui était arrivé. Comment avait-il pu oublier toute son existence ? Les souffrances qu'il avait subi avaient-elles été telles que son esprit s'etait replié sur lui-meme, incapable de supporter plus sans s'effondrer et lui faire perdre la raison ? Était-ce un mécanisme de défense ordinaire ? Il n'en savait rien Il n'était pas toubib.
Pire encore était cette nouvelle qu'il avait une ex-femme et un fils. Il ne s'en souvenait pas, il ne se rappelait même pas leurs visages ni leurs noms. Enfin, il y a avait bien celui d'Eleena qu'il avait prononcé plus tôt sans même y faire attention. Mais son propre fils, oublié lui aussi ? Quel genre de père avait-il dû être pour qu'un peu de douleur le lui fasse oublier ? Seul dans la chambre a sa demande, il se rendait maintenant compte combien il avait le silence et la solitude en horreur depuis sa captivité.
La simple idée de rester seul trop longtemps le faisait frissonner. Au souvenir de cette cellule humide ou il gisait alors, il comprenait que ce n'était pas tant la douleur et les tortures qui l'avaient détruit mais la certitude d'être totalement et pleinement seul, sans personne pour compatir ni le soutenir. S'il n'y avait eu cette pensée souterraine d'Elle, il aurait complètement perdu les pédales. Mais dans le même moment, c'était cette pensée de ne plus jamais la revoir qui lui avait fait mal, plus que jamais ses tortionnaires ne l'auraient pu.
Il lui fallut de nombreuses heures pour réussir à s'endormir et quand ce fut le cas, son sommeil ne fut pas le moins du monde paisible. Dans ses rêves revenaient des bribes de ce qu'il avait vécu et rien n'y était plaisant. Il revoyait les visages moqueurs et cagoulés qui le battaient comme plâtre, les formes indistinctes des matraques et les rires sadiques qui le narguaient. Il se revoyait allongé par terre, immobile et incapable de bouger, à espérer, à prier pour mourir mais en vain. La mort n'etait jamais venue pour lui délivrer son baiser fatal.
Et à présent, il était là, brisé et en morceaux, sans souvenir de rien et avec l'impression qu'il n'avait pas d'avenir. Il ne lui restait qu'une famille dont il ne savait rien et ce vague objectif de retrouver une femme dont il n'avait comme souvenir que des yeux bleus et le réconfort qu'elle lui prodiguait alors même qu'il oubliait peu à peu tout. Il aurait eu mieux fait de se vider de son sang dans sa cellule afin de soulager tout le monde du poids de son existence. Résultat : il était maintenant un fardeau pour tout le monde et surtout lui-même.
Empereur, pourquoi m'as-tu permis de vivre ? Pourquoi m'as-tu interdit de quitter ce monde ?
Le sommeil vint finalement, vaincu par la fatigue comme il l'était. La dernière chose à laquelle il pensa avant de fermer les yeux et sombrer dans l'inconscience étaient ces yeux d'un bleu intense et pur qui lui jetaient un regard espiègle et joueur.
Il dormit jusqu'au lendemain matin sans être dérangé. Durant son sommeil, les médecins étaient venus examiner son état et s'étaient entretenus avec Winston pour en savoir plus. Ils avaient ainsi diagnostiqué ce que lui et la jeune femme avaient soupçonné, que son amnésie complète venait de ce qu'il avait subi, son esprit s'étant replié dans une tentative inconsciente et instinctive de se protéger. En revanche, ils ne disposaient guère de solution pour y remédier car la mémoire était une chose très complexe et capricieuse, infiniment délicate.
Il faudrait appliquer un savant mélange de douceur et de fermeté pour le mettre sur la voie du rétablissement. Et il était important que son corps, pratiquement remis, pratique des exercices physiques d'une intensité qui irait croissante afin de le stimuler et surtout, de faire fonctionner sa mémoire musculaire. La question de la prothèse pour remplacer sa main, mécanique, fut évoquée évidemment.
On établit que pour l'heure mieux valait attendre un peu qu'il soit remis complètement et en forme, d'autant qu'i faudrait également choisir un modèle. Le standard était préconisé, étant peu onéreux et fiable au détriment de capacités de sensation amoindries, surtout par rapport à une main organique. Il restait possible de voir s'il souhaiterait un modèle plus perfectionné mais également plus cher. Peut-être disposait-il d'une réserve financière suffisante pour amortir le coût de l'opération ?
Pour l'heure, il était ignorant de tout cela, peinant à se tirer hors du lit pour aller faire un tour hors de sa chambre. Il réalisa bien vite qu'elle avait eu raison, tout ce temps de captivité et d'immobilisme n'avaient pas fait du bien à ses membres, au point que simplement se tenir debout lui paraissait tenir du miracle. Incapable de rester debout, il se résolut à tendre le fauteuil roulant et s'y installer. Inutile de dire que l'opération fut diablement longue, d'autant que sortir de la chambre était compliqué aussi. A peine sorti dans le couloir, il était essoufflé et fatigué.
Pour autant, hors de question de songer à retourner au lit. Il fallait qu'il bouge et surtout, qu'il parle à quelqu'un. Il en avait assez de la solitude. Il parvint à sortir sur la terrasse à l'entrée de la clinique avant de se rendre compte que ce n'en était absolument pas une mais plutôt un genre de palais. L'idée l'etonna mais il n'eut pas le temps de s'en interroger plus avant que revenait visiblement d'une promenade la maîtresse des lieux, qui semblait amusée de le voir là.
Ouais j'en avais marre de flâner dans mon lit, j'avais besoin de bouger un peu.
Il prit quelques secondes pour savourer le vent frais soufflant sur son visage et l'odeur de pureté qui se dégageait des lieux.
Je tenais à m'excuser encore une fois d'avoir perdu mon sang-froid hier, vous êtes formidable, patiente et attentionnée et je suis bien ingrat. C'est juste que c'est très frustrant, parfois j'ai l'impression d'être à rien de me souvenir et de tout et l'instant d'après, plus rien.
Long soupir fatigué avant de fermer les yeux, concentré et comme perdu dans ses pensées.
Vous m'aviez demandé hier si je voudrais voir mon ex et mon fils. Je crois que je ne préférerais pas. Je n'ai aucun souvenir d'eux et je préférerais qu'ils ne me voient pas dans cet état. De toute façon, je ne devais probablement pas être un bon mari ni père, chaque fois que je pense à eux je ressens du regret et de la honte... En revanche, si c'est possible, j'aimerais qu'ils sachent que je ne suis pas mort et pourquoi j'ai disparu de la circulation si longtemps. Que ce n'était pas volontaire et que je suis désolé si je leur ai fait du mal par mon absence. Vous pensez qu'il est possible de leur envoyer un message ?
Il hésita brièvement avant de poser une autre question.
Vous avez parlé de l'agente junior Zai. Tel que je me rappelle du concept, c'est un genre d'apprenti agent aux côtés d'un mentor. Vous la connaissez ? Vous savez ou elle est ? Est-ce que... Est-ce que j'ai été un bon agent senior pour elle ? Est-ce que je l'ai aidée à devenir une meilleure agente ? Est-ce qu'elle est encore en vie après toute cette histoire de chasse aux terroristes ?
Pire encore était cette nouvelle qu'il avait une ex-femme et un fils. Il ne s'en souvenait pas, il ne se rappelait même pas leurs visages ni leurs noms. Enfin, il y a avait bien celui d'Eleena qu'il avait prononcé plus tôt sans même y faire attention. Mais son propre fils, oublié lui aussi ? Quel genre de père avait-il dû être pour qu'un peu de douleur le lui fasse oublier ? Seul dans la chambre a sa demande, il se rendait maintenant compte combien il avait le silence et la solitude en horreur depuis sa captivité.
La simple idée de rester seul trop longtemps le faisait frissonner. Au souvenir de cette cellule humide ou il gisait alors, il comprenait que ce n'était pas tant la douleur et les tortures qui l'avaient détruit mais la certitude d'être totalement et pleinement seul, sans personne pour compatir ni le soutenir. S'il n'y avait eu cette pensée souterraine d'Elle, il aurait complètement perdu les pédales. Mais dans le même moment, c'était cette pensée de ne plus jamais la revoir qui lui avait fait mal, plus que jamais ses tortionnaires ne l'auraient pu.
Il lui fallut de nombreuses heures pour réussir à s'endormir et quand ce fut le cas, son sommeil ne fut pas le moins du monde paisible. Dans ses rêves revenaient des bribes de ce qu'il avait vécu et rien n'y était plaisant. Il revoyait les visages moqueurs et cagoulés qui le battaient comme plâtre, les formes indistinctes des matraques et les rires sadiques qui le narguaient. Il se revoyait allongé par terre, immobile et incapable de bouger, à espérer, à prier pour mourir mais en vain. La mort n'etait jamais venue pour lui délivrer son baiser fatal.
Et à présent, il était là, brisé et en morceaux, sans souvenir de rien et avec l'impression qu'il n'avait pas d'avenir. Il ne lui restait qu'une famille dont il ne savait rien et ce vague objectif de retrouver une femme dont il n'avait comme souvenir que des yeux bleus et le réconfort qu'elle lui prodiguait alors même qu'il oubliait peu à peu tout. Il aurait eu mieux fait de se vider de son sang dans sa cellule afin de soulager tout le monde du poids de son existence. Résultat : il était maintenant un fardeau pour tout le monde et surtout lui-même.
Empereur, pourquoi m'as-tu permis de vivre ? Pourquoi m'as-tu interdit de quitter ce monde ?
Le sommeil vint finalement, vaincu par la fatigue comme il l'était. La dernière chose à laquelle il pensa avant de fermer les yeux et sombrer dans l'inconscience étaient ces yeux d'un bleu intense et pur qui lui jetaient un regard espiègle et joueur.
Il dormit jusqu'au lendemain matin sans être dérangé. Durant son sommeil, les médecins étaient venus examiner son état et s'étaient entretenus avec Winston pour en savoir plus. Ils avaient ainsi diagnostiqué ce que lui et la jeune femme avaient soupçonné, que son amnésie complète venait de ce qu'il avait subi, son esprit s'étant replié dans une tentative inconsciente et instinctive de se protéger. En revanche, ils ne disposaient guère de solution pour y remédier car la mémoire était une chose très complexe et capricieuse, infiniment délicate.
Il faudrait appliquer un savant mélange de douceur et de fermeté pour le mettre sur la voie du rétablissement. Et il était important que son corps, pratiquement remis, pratique des exercices physiques d'une intensité qui irait croissante afin de le stimuler et surtout, de faire fonctionner sa mémoire musculaire. La question de la prothèse pour remplacer sa main, mécanique, fut évoquée évidemment.
On établit que pour l'heure mieux valait attendre un peu qu'il soit remis complètement et en forme, d'autant qu'i faudrait également choisir un modèle. Le standard était préconisé, étant peu onéreux et fiable au détriment de capacités de sensation amoindries, surtout par rapport à une main organique. Il restait possible de voir s'il souhaiterait un modèle plus perfectionné mais également plus cher. Peut-être disposait-il d'une réserve financière suffisante pour amortir le coût de l'opération ?
Pour l'heure, il était ignorant de tout cela, peinant à se tirer hors du lit pour aller faire un tour hors de sa chambre. Il réalisa bien vite qu'elle avait eu raison, tout ce temps de captivité et d'immobilisme n'avaient pas fait du bien à ses membres, au point que simplement se tenir debout lui paraissait tenir du miracle. Incapable de rester debout, il se résolut à tendre le fauteuil roulant et s'y installer. Inutile de dire que l'opération fut diablement longue, d'autant que sortir de la chambre était compliqué aussi. A peine sorti dans le couloir, il était essoufflé et fatigué.
Pour autant, hors de question de songer à retourner au lit. Il fallait qu'il bouge et surtout, qu'il parle à quelqu'un. Il en avait assez de la solitude. Il parvint à sortir sur la terrasse à l'entrée de la clinique avant de se rendre compte que ce n'en était absolument pas une mais plutôt un genre de palais. L'idée l'etonna mais il n'eut pas le temps de s'en interroger plus avant que revenait visiblement d'une promenade la maîtresse des lieux, qui semblait amusée de le voir là.
Ouais j'en avais marre de flâner dans mon lit, j'avais besoin de bouger un peu.
Il prit quelques secondes pour savourer le vent frais soufflant sur son visage et l'odeur de pureté qui se dégageait des lieux.
Je tenais à m'excuser encore une fois d'avoir perdu mon sang-froid hier, vous êtes formidable, patiente et attentionnée et je suis bien ingrat. C'est juste que c'est très frustrant, parfois j'ai l'impression d'être à rien de me souvenir et de tout et l'instant d'après, plus rien.
Long soupir fatigué avant de fermer les yeux, concentré et comme perdu dans ses pensées.
Vous m'aviez demandé hier si je voudrais voir mon ex et mon fils. Je crois que je ne préférerais pas. Je n'ai aucun souvenir d'eux et je préférerais qu'ils ne me voient pas dans cet état. De toute façon, je ne devais probablement pas être un bon mari ni père, chaque fois que je pense à eux je ressens du regret et de la honte... En revanche, si c'est possible, j'aimerais qu'ils sachent que je ne suis pas mort et pourquoi j'ai disparu de la circulation si longtemps. Que ce n'était pas volontaire et que je suis désolé si je leur ai fait du mal par mon absence. Vous pensez qu'il est possible de leur envoyer un message ?
Il hésita brièvement avant de poser une autre question.
Vous avez parlé de l'agente junior Zai. Tel que je me rappelle du concept, c'est un genre d'apprenti agent aux côtés d'un mentor. Vous la connaissez ? Vous savez ou elle est ? Est-ce que... Est-ce que j'ai été un bon agent senior pour elle ? Est-ce que je l'ai aidée à devenir une meilleure agente ? Est-ce qu'elle est encore en vie après toute cette histoire de chasse aux terroristes ?