- ven. 8 juin 2018 21:29
#32873
L’hostile galaxie n’offrait que rarement le couvert d'un refuge rassurant et propice à l’abandon de toute vigilance. Seules des amitiés solides donnaient accès aux soins et à la discrétion dont la Pantoran avait désormais besoin. Le Maître et son Apprentie avaient un temps cherché l'endroit idéal, une cachette qui accueillerait l'enfant en toute sécurité. Mais le navrant constat de la pauvreté de leur carnet d'adresses s'était imposé à elles, rappelant que le nombre de leurs alliés se comptait sur les doigts d'une main humaine. Qui, de suffisamment discret, suffisamment prévenant, suffisamment désintéressé, serait tenu dans le secret de la naissance d’Ophilia.
Au pied du mur, alors, et pressée par le temps, la Mirialan avait parlé à son élève de sa planète natale. Mirial. Et du temple. Accroché au flanc d'une montagne, perdu aux confins des landes, les tribus s’y rendaient afin d’honorer leurs morts et rendre hommage à la Force. L'endroit s'avérait suffisamment reclus pour s'y cacher un temps. Et les soeurs ne poseraient aucune question embarrassante. La seule précaution à prendre consistait en la dissimulation de l'obscurité dans laquelle baignaient les deux Sith. Rien d’insurmontable étant donné la sensibilité toute relative des soeurs.
L’acceptation de l’apprentie marqua le début du voyage. Vers la Bordure Extérieure, vers le secteur Illisurevimurasi, et vers Mirial.
Les villes n'étaient pas nombreuses sur Mirial, et de petite taille, leur population variant selon la migration des tribus. Rares étaient ceux qui s’étaient durablement installés et vivaient entre quatre murs. Ceux-là souvent avaient leur affaire dépendante d’un astroport. C'est dans l'une de ces petites villes que l'Odonata se posa.
Pour venir voir les soeurs, Ranath soignait toujours son apparence. Elle se vêtait d'une longue robe brune de laine sur laquelle elle jetait un épais manteau d'un brun un ton plus sombre. Afin de cacher ses cheveux tirés en un chignon serré, elle portait une coiffe traditionnelle. Ainsi accoutrée, la Dame Sombre n’avait jamais autant ressemblé à un Jedi. À ceci près que la Mirialan n’avait aucun tatouage. Avant de descendre la rampe du cargo, le Maître accrocha son sabre laser à sa ceinture et dispensa les derniers conseils utiles à son apprentie.
Les soeurs ne savaient rien de la voie obscure suivie par Ranath. Peu d'entre elles étaient en mesure de déceler la nature de Varadesh. Pour autant, la prudence était à l’honneur. Pas de Darth. Pas de Ranath. Pas de Varadesh. Pas de maître. Pas d’apprentie. Rester discrète. Il n'y aurait aucun problème.
Dès la sortie du vaisseau, le voyage prit une tournure de pèlerinage, car pour se rendre au temple, seuls les moyens de transport traditionnels mirialans étaient accessibles. Un éleveur, en périphérie de la ville, prêta des montures. Deux grands et gros herbivores laineux. Hauts de dos mais courts sur pattes. Leurs doigts griffus leur assuraient une grande stabilité sur les chemins accidentés. Leurs petites oreilles étaient enfouies sous une épaisse fourrure qui ne semblait soumise à aucune gravité. Et leur museau plat s'agitait sans cesse à la recherche d'un tubercule à croquer. Ranath aida la Pantoran à se hisser sur le dos de l'un d’eux. L’étrange équipage se mit en route. Toute une journée de voyage les attendait.
Une neige légère tombait sur le désert rocheux quand le temple apparut enfin à leurs yeux. Il était perché sur une colline herbeuse, elle-même accolée au flanc de la montagne parsemé de hauts et sombres pins. Même à bonne distance du bâtiment, on en distinguait les murs bardés de bois et les pierres tombales éparpillées tout autour. La vue du temple renforça l’appréhension de la Mirialan. L'une de ces tombes était la source de visions récurrentes. Dérangeantes. Persistantes.
Le maître jeta un regard en arrière, à son apprentie. Elle ne semblait pas non plus à son aise. Il était temps. La Dame Sombre, déjà, atténuait son aura, jusqu'à la restreindre à un petit rien, à un vague halo dont on ne devinait même pas la nature. Elle enjoignit la Pantoran à l’imiter et à dissimuler ainsi ses croyances en la Force Obscure. Et elle ne devait pas l’oublier, parler le moins possible.
En arrivant aux abords du temple, une enfant survitaminée se précipita vers elles. Elle attrapa la bride de la monture de Ranath tandis que celle-ci posait le pied à terre. Puis elle se dirigea vers le second animal, leva les yeux vers son cavalier. Un air incrédule précéda son cri de stupeur. La gamine s'enfuit en courant. Presque aussitôt, une soeur se présenta, confuse. Les deux Mirialans échangèrent quelques mots. La soeur s'en retourna à l’intérieur et Ranath vint enfin aider Varadesh à descendre. Elles entrèrent ensemble dans le temple.
La bâtisse était en bois de pin. La première pièce était aussi longue que large. Sa charpente formait une haute voûte dont le sommet semblait cacher une ouverture dédiée à l'évacuation de la fumée produite par le feu qui brûlait au centre de la pièce dans un foyer tailler à même un rocher de granite.
La soeur revint. Elle s’adressait à Ranath à toute vitesse, dans un galactique approximatif et avec un accent grossier qui rendait son discours incompréhensible. La Jedi pourtant acquiesçait à intervalles réguliers. Cette effervescence fut brusquement calmée par l'arrivée d'une soeur plus âgée, la plus âgée.
- « Mya. »
Elle était vêtue de lourds effets de laine grise et marchait à l'aide d'une canne. Elle aussi avait la tête couverte, comme toutes les autres soeurs. Sa peau olive était intégralement couverte de tatouages complexes et dont l'intensité avait passé avec le temps. Elle posait sur sa congénère un regard sévère.
- « Pourquoi l’amener ici ? »
Un court silence laissa un instant planer la question entre les quatre protagonistes en présence. La Sith se décida finalement.
- « Elle est comme ma soeur. Ce temple. Les soeurs. Vous êtes ma dernière famille. La seule à même de prendre soin de ce qui m’est cher. »
Le silence cette fois dura plus longtemps. La vieille Mirialan ferma les yeux un instant. Quand elle les rouvrit, elle avait pris une décision.
- « Leïss, trouve-lui une chambre. »
L’autre s’approcha de Varadesh.
- « Venez. »
La doyenne retint la Sith.
- « Mya. »
Pendant ce temps, Leïss montrait à la Pantoran le reste du temple, jusqu’à pénétrer dans l’aile dédiée aux chambres. De part son statut particulier, l’étrangère avait le droit à une chambre individuelle. La Mirialan en choisit une et la lui désigna.
- « Ca te plait ? Je vais te montrer la salle d’eau. Venez. Loreena est notre Grande Soeur. Elle n’aime pas trop que Mya n’ait pas les tatouages. »
Le tour du bâtiment fut vite terminé. Les chambres, le dortoir, la salle d’eau, la cuisine, le réfectoire, la salle de méditation, la bibliothèque, le jardin. Et voilà. La jeune femme ramena Varadesh dans le hall. Ranath et Loreena marchaient désormais côte à côte, dehors. La vieille femme se tourna vers la Pantoran.
- « Comment s’appelle ton enfant ? »