Quand ça parle fric, c'est moi qui interviens.L'après-midi était superbe à Coronet, on annonçait des températures à 28°C maximum, juste assez chaud pour profiter de l'air frais et du soleil et juste assez doux pour ne pas suffoquer sous la chaleur. Pour l'occasion, Jim avait pris sa journée, se coupant de son travail de Diktat et profitant simplement du bon temps, à sa résidence secondaire de Vreni Island. Jadis, il avait fait don de cette propriété à cette chère Leia, lorsqu'ils étaient plus jeunes, que la vie était plus simple et qu'il n'y avait pas de Solo pour se mettre entre eux.
C'était fini à présent. Solo et Leia étaient mariés et d'après ce qu'il en savait, très heureux ensemble. Quant à lui, il noyait sa solitude dans le travail intensif et sans fin. Mais parfois, comme toute personne normalement constituée, il avait besoin de se dégager du temps libre et se détendre. Il avait demandé à Vicki qu'on ne le dérange pas sauf en cas d'extrême urgence et celle-ci, ne comprenant que trop bien son patron, avait acquiescé, jouant parfaitement son rôle d'écran entre lui et tout ce qui aurait pu le distraire de son repos.
Le prince corellien songea qu'il devrait penser à augmenter sa secrétaire vu le travail colossal qu'elle abattait sans jamais se plaindre ni rien demander. Il était allongé paresseusement sur son hamac, non loin de la piscine privée qu'il avait fait construire. Il n'était pas seul d'ailleurs, il y avait 2 de ses "amies" qui y nageaient joyeusement, pouffant entre elles et de temps en temps, l'exhortant à venir les rejoindre. Il se contentait de leur sourire en brandissant son verre de whisky et de les regarder nager.
Peut-être se laisserait-il tenter. Après tout lui comme elles étaient des adultes et savaient ce qu'ils faisaient. La solitude avait de bons côtés mais parfois elle lui pesait tant et si bien que n'importe quelle compagnie lui plaisait tant qu'il en avait un peu. Et malgré tout ses efforts, la réputation de playboy milliardaire continuait de lui coller à la peau alors autant lui donner raison une fois par ci par là. Il se prit à songer à Sélina Kane qu'il n'avait guère revue depuis le bal de la CorSec l'an dernier. Peut-être qu'il pourrait voir à arranger un dîner en tête à tête une fois l'interview entre elle et Hayley bouclée. Oui, bonne idée.
Une ombre tomba sur lui, lui masquant le soleil. Contrarié, Jim leva la tête pour voir le visage parcheminé et constellé de rides profondes son vieil ami, son mentor et accessoirement son majordome, Auvray. Le vieil homme savait bien qu'il ne fallait pas le déranger lorsqu'il était en relaxation. Mais depuis quand quelque chose d'aussi trivial que les instructions de son employeur avaient de l'importance pour Auvray ?
Il y a quelque chose que vous souhaitiez me dire ou vous voulez juste me gâcher le soleil ?Qui sait ? Peut-être que mon dernier plaisir dans la vie est de vous rappeler vos devoirs ?Votre dévouement ne connait aucune limite Auvray. Je devrais peut-être vous nommer Diktat à ma place et jouer le majordome.Les dieux nous en gardent, vous êtes bien trop imbu de vous-même pour faire un bon domestique !Parfois je me demande pourquoi je vous paie mon vieux.Pour ma part je n'ai pas souvenir de la dernière fois ou j'ai touché un salaire. Ni quand j'ai eu des congés. Ah si, cela doit remonter à avant votre naissance de mémoire.Arrêtez de jouer l'impertinent, nous ne sommes pas seuls je vous rappelle. Soyez un bon majordome corellien et témoignez du respect à ces dames qui sont en notre présence ou je vous envoie pointer à Impératrice Têta.Ah ! Mais à ce qu'on dit, la famille royale est très affable, il semblerait même que travailler pour eux est presque aussi plaisant que de travailler pour vous. Et eux au moins me paieraient.Allez au diable Auvray, vieille fripouille !Les 2 hommes se sourirent l'un à l'autre. Pour eux, ce petit jeu qui existait depuis bien avant la mort tragique de Sir Thom Antilles presque 20 ans auparavant était devenu automatique. Un observateur extérieur aurait pu être choqué de leurs comportements mais ils n'en avaient cure. Du reste, en public, chacun savait jouer son rôle à la perfection.
Plus sérieusement, vous aviez quelque chose à me dire ?Oui, il y a eu un message notifié comme étant urgent.Vicki devait pourtant faire en sorte que je ne sois pas dérangé...Miss Vale travaille pour le Diktat, ce message est à l'attention du PDG de la CTC.Jim fronça les sourcils. Oh. D'accord.
Passez-moi mon datapad, je vais voir ça, si ça peut se régler rapidement ma foi... Ensuite je piquerai peut-être un saut dans la piscine... Hmm...Et avec un peu de chance, vous finirez même par vous ranger voire, soyons fous, avoir un héritier.Auvray, vous êtes une vraie plaie.Merci monsieur, je fait de mon mieux.Le vieil homme se retourna et partit en direction de l'intérieur de la résidence. Il ne s'intéressait guère aux invitées de Jim et il avait du travail qui l'attendait. Jim pour sa part lut rapidement - il n'avait pas besoin de prendre une heure pour comprendre les tenants et aboutissants - le message. La TIME hein ? Un bon client régulier de sa compagnie, même si elle n'était que du menu fretin comparée à la CTC. Sa demande était... Inhabituelle, c'était le moins qu'il pouvait dire.
De sa vie, Jim avait vu et entendu des choses loufoques voire carrément bizarres mais là il pensait détenir la palme. La TIME lui demandait sans aucune gêne de fournir des informations qui n'étaient pas du domaine public et que seuls les actionnaires ainsi que les inspecteurs des impôts pouvaient consulter librement. Et encore, eut-il fallu qu'ils en soient intéressés pour se faire. En temps normal, Peter Nox aurait dû pouvoir gérer cette affaire mais il avait sollicité son avis pour l'occasion, songeant que c'était peut-être un peu trop gros pour lui.
Jim était de son avis. Traiter avec la TIME en temps normal ne lui posait aucun souci, c'était un client fidèle, régulier, qui payait bien et en temps et en heure. Mais là, ça devenait délicat. Il examina les possibilités qui s'offraient à lui puis décida d'en discuter avec Nox en visio-conférence. Ses "amies" en furent déçues mais elles retrouvèrent le sourire lorsqu'il leur promit qu'il ne serait pas long et qu'ensuite de quoi il les rejoindrait. L'après-midi ne faisait que commencer après tout.
Une réponse fut ensuite envoyée à Daniel Stingray, de la part de Jim Antilles, Président-Directeur général de la CTC.
Monsieur Stingray,
En tant que PDG de la CTC, je ne peux que vous remercier pour l'intérêt et la confiance que vous portez envers mon entreprise pour ce projet que vous venez nous soumettre. Je crains toutefois que vous ne risquiez d'être déçu, au moins en partie. La CTC ne peut vous laisser de libre accès aux données faisant état du nombre de canonnières DP20 qu'elle vend sur l'année car il s'agit d'informations économiques privées que nous devons conserver comme telles afin d'éviter tout risque d'espionnage industriel.
De plus, nous ne pouvons souscrire à l'idée de financer en partenariat avec vous le projet de modernisation de ces produits en vue de les mettre à disposition sur le marché. Cette gamme appartient pleinement et entièrement à la CTC et entreprises affiliées, par conséquent nous ne pouvons partager ses bénéfices avec quelque entreprise que ce soit. Ceux-ci reviennent dans leur totalité à la CTC et nul autre.
Toutefois, par souci de conserver ses excellentes relations avec la TIME et pour vous prouver notre bonne foi, la CTC souhaite vous racheter toutes les données existantes en votre possession sur le projet de modernisation des DP20. La CTC vous offre la somme de 30 millions de crédits en guise de dédommagement. J'ai également la responsabilité de vous avertir que toute tentative de votre part pour moderniser et vendre un produit CTC sans notre aval vous vaudra une procédure judiciaire pour faire valoir notre propriété.
Nous ne souhaitons bien évidemment pas en arriver là et attendons de vous, le cas échéant ou vous accepteriez notre proposition, de signer divers documents joints à ce message qui attesteront de votre honnêteté et votre engagement sans faille. Ces documents attesteront également que la propriété, l'exclusivité et l'usage de ce projet seront entièrement nôtres. Cordialement, Corporation Technique Corellienne
C'était une bonne affaire dans le fond, pour les 2 parties intéressées. Avec ses avocats et son entreprise, Jim aurait pu tailler dans le lard et anéantir la TIME s'il l'avait voulu. Mais ce n'est parce qu'on est des capitalistes qu'on ne peut pas se comporter de manière civilisée après tout. Satisfait, Jim accusa réception de l'envoi puis sortit. Il était en maillot de bain et prit soin d'enlever son peignoir avant de plonger dans la piscine, éclaboussant au passages les demoiselles en détresse. Parfois, il fallait pouvoir simplement se poser et profiter de la vie.