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Un Salon

MessagePosté :lun. 10 déc. 2018 21:52
par Harlon Astellan
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Dantooine,
Exploitation Malora


Le vent soufflait en direction du Nord aujourd'hui. Léger, il allait augmenter le ressenti glacial qui balayait les jambes des travailleurs aujourd'hui. L'exploitation Malora s'était lancée à l'aube d'un hiver avare en ondées. Les variations tombaient sans crier gare, et l'office météorologique, un organisme privé sur Dantooine, ne prévenait parfois que trop tard. Dur de mettre en place les points de chauffe aux pieds des fruitiers dans les temps, même si on réussissait toujours à se débrouiller. Par deux fois, et ce avant même l'arrivée officielle de la motion hivernale, la gelée s'était présentée, presque à l'improviste. Les fleurs des pommiers en auraient presque souhaité se retirer jusqu'à l'an prochain. Mais les Dantari usaient de leurs bras forts pour placer les appareils chauffants aux bons endroits, aux bons moments. Les pommiers continuaient leur croissance, et la récolte à venir promettait de beaux profits. Les céréales ne s'en portaient pas plus mal non plus. Et c'était bien ce qui conduisait le courrier à cet instant précis. Dantooine n'était peuplée que de si peu d'âmes qu'il fallait parcourir la campagne à pied pour dénicher les appelés de l'événement spécial dont il tenait l'invitation dans la poche.

L'approche du domaine fut perçu comme un soulagement. Le speeder, frappé d'un insigne impérial neutralisé, dans une carcasse verte olive et d'une flèche qui se donnait une allure de fusée, filait à toute vitesse jusqu'à venir en lisière du domaine, où il n'aurait qu'à être reçu. Traversant le chemin de terre boueuse qui le séparait de l'entrée du domaine au logis principal, il stoppa son véhicule à distance raisonnable d'une parodie de porte d'entrée, et se laissa sortir, une besace passée autour du cou. « Grgneunoufghr... intérêt c'qu'soit là... greugnoemapdld... » Le temps était maussade, le ciel gris couvait un méchant orage, la terre retournée donnait des nutriments aux plantes mais des salissures aux fouleurs de sol, et l'homme avait perdu du temps dans sa journée. Le service postal n'existait plus que sur des mondes primitifs, dont la moitié des établissements n'étaient pas reliés aux services pneumatiques de distribution de courrier physique. Et pire encore : ceux qui n'étaient pas reliés au réseau Holonet planétaire. Ces postiers n'étaient plus embauchés que par centaines dans toute la galaxie. L'homme, la cinquantaine enfoncée sous une moustache épaisse et grise, représentait un reliquat d'un âge du tout-manuel, un métier de préhistoire et même de légendes. On devait le considérer moins comme un homme que comme une blague depuis les mondes du Noyau. Il toqua à la porte, attendit qu'on lui ouvre, et tendit le pli en flimsi enveloppé. « B'jour, moilà. Ne'journée. » Ses habits, comme si un uniforme de l'armée lui avait été donné par pitié, sans ceinture, sans insigne et sans calotte, avaient l'histoire du placard inscrite dans les fibres. Il sentait le renfermé et la vie de merde, et c'était les chaussures crottées qu'il s'en repartit dans son speeder d'Etat, à terminer une tournée de quatre lieux qui lui prendrait la journée entière.

Le flimsi était froissé, mais intègre. L'enveloppe cachetée du sceau impérial officiel, la crête à six rayons entourée des lettre suprêmes de la région : "Gouvernement Impérial de Dantooine". Le cachet en cire bleue attestait de l'authenticité, la formalité de la remise n'entachant rien à l'envoi du produit. Comme toujours, toute lettre envoyée par flimsi était précédée d'un papier généralisé, incitant les recevants du message en question de se mettre en conformité et d'investir dans un terminal émetteur-récepteur connecté à l'Holonet planétaire.

Mais le message en lui-même portait l'espérance.

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