Enceinte sacrée,
La veille au soir
«
Ah-ah-ah, ça n'a pas tardé. Montrez voir. »
Le type devant Emsar est un jeune homme, le genre qui se pense très beau mais qui est en fait d'une laideur repoussante. Bien bâti, il semble capable de roter l'alphabet et de danser le disco toute la nuit durant, sachant boire des pintes à la volée et raconter la dernière blague de la pute et des pédés à ses bimbos de plumard. Ce qu'Emsar voit, c'est un branle-couille fini, un mec qui n'a jamais du savoir que les boutons sur le visage s'enlèvent avec du savon, et pire encore, ce qu'il voit, c'est un roux. Emsar n'avait jamais aimé les roux. Ils étaient dégueulasses, et plein de tâches de rousseur. Chaque tâche formait à ses yeux une raison affichée pour laquelle ils ne devaient pas exister.
Je suis Dieu, et je marque les points négatifs de ce garçon autour de son nez. Emsar lui faisait la grâce de passer outre sa peau blanche comme une merde de laitier.
«
C'est bien, vous êtes gentil. J'y serais à temps. »
«
Bah, et mon pourboire ? »
«
J'ai la gueule d'un porte-monnaie ? »
Emsar claqua sa porte avec un sourire salace et alla se jeter sur son lit d'un bond calculé, atterrissant mains derrière la tête et pieds croisés. Il avait lustré ses bottes en peau de rancor et ses couteaux fétiches. Manque de pot, ces derniers ne seraient pas de la partie dès le départ. Il devait gagner, pas tuer l'autre d'en face. Il avait intérêt à être réglo avec ses salades de Mandaloriens.
Un Mando'A, rien que ça. Un guerrier de Mandalore, dans une arêne. On aurait pas rêvé plus con comme endroit pour ce genre de mec, surtout qu'il venait sur Kashhyk, une planète qui avait eu quelques souvenirs de pas mal de mercenaires à beskar, et pas forcément les meilleurs.
C'était le coup du beskar qui remuait les méninges d'Emsar. Si sa réputation était fondée, et apparemment c'était moins une légende qu'une vérité, c'était capable de résister aux sabres laser. Et à côté d'un truc qui chauffe tellement que ça tranche du n'importe quoi, son couteau c'était de l'outil de pédale. Moralité, c'était lui, la pédale. Aussi il avait poussé sa petite investigation sur l'Holonet. On trouvait toujours des vidéos pirates avec un Mandalorien dedans. Mais il n'avait rien trouvé, aussi avait-il
déduit ce qu'il fallait. Une armure est une armure, et il avait été au contact des Stormtroopers pendant longtemps pour connaître les points faibles de base d'une armure.
Ca ne laissait donc qu'une seule difficulté... s'approcher assez près d'un tank mobile. Emsar devait donc trouver de quoi le protéger longtemps des effets de la douleur. Il avait déjà une...
*
toc toc toc*
Bordel...
«
Encore toi, le rouquemoutte ? Qu'est-ce tu viens revenir ici, tu veux ton pourboire rectal ? »
La porte s'ouvrit doucement, une main posée sur la tranche de la porte, donnant une image sur une manche d'un blanc soyeux autour d'une main basanée, seule figure colorée d'une silhouette plongée dans l'ombre du cadran de la porte d'entrée. Cette enceinte n'était réservée qu'aux participants et au staff, autrement dit il avait à faire à un autre concurrent. Venu le tuer pour empocher la mise ? La silhouette s'avança dans la pièce, et Emsar eut comme une crise cardiaque.
«
Maître ? »
Arène du Supplice,
Maintenant
Une arène de glace. Intéressant concept qui avait du coûter cher à installer sur une planète de jungle. Le froid était aussi réel que la neige et les débris gelés. Emsar avait emprunté aux organisateurs une armure en métal léger. Ca ne lui serait efficace que pour un coup ou deux, autrement, il devrait se reposer sur une technique qui recourait à toute sa puissance intellectuelle : son palais mental. Plus qu'un palais de mémoire, c'était aussi un endroit où il faisait croire à son esprit une réalité alternative. S'il se faisait charcuter dans la vraie vie, il arriverait à persuader son esprit - et donc son corps - qu'en réalité il prenait un bain de pieds. Une technique utile en cas de torture.
Son couteau dans la botte, il était armé de deux vibrolames accrochées à des bandoulières en travers de son plastron d'emprunt, lâché au bout opposé à son adversaire dans une arène si grande qu'on aurait dit Hoth.
Deux mauvaises choses pour lui. Il avait combattu sur Hoth quand les rebelles s'étaient prit une dérouillée. Il avait eu pour ordre de tuer des retardataires ou des trouble-fêtes qui voulaient retarder les impériaux. Un boulot chiant mais classe.
Et pis encore, il avait passé son enfance sur Rhen Var, où il devait des fois rester à poil dans le froid en équilibre sur un poteau s'il voulait manger. Le Sensei n'avait pas été un tendre, et ça avait payé.
Maintenant, penser stratégie...
Enceinte sacrée,
La veille au soir
«
Mais qu'est-ce que vous faites ici ? »
«
Je suis un participant au tournoi, jeune idiot. Que pensais-tu que j'étais ? »
«
Je ne sais pas... un maître de l'Echani qui peut se faufiler partout l'air de rien et qui n'aurait eu aucun mal à passer la sécurité pour venir ici sans avoir à s'inscrire ? »
«
... ... certes. »
Emsar remarquait que le Sensei fronçait les sourcils quand il l'embarrassait. C'était la première fois dans sa vie que cela arrivait.
«
Où étais-tu passé ? »
«
J'étais en prison. De mon plein gré. »
«
Pourquoi ce tournoi ? »
«
Le pognon et l'odeur du sang. »
«
Pourquoi ne reviens-tu pas ? »
«
Je n'avais pas spécialement envie de vous voir pour le moment. »
Ca paraissait dur, mais c'était la vérité. L'équipe lui manquait, mais il devait prendre du recul, et ce recul il ne l'avait acquis que seul. Mais il avait menti, il était allé en prison parce qu'il s'était fait avoir par le parent d'une de ses victimes. Mais le type était tellement droit dans ses bottes qu'il n'avait pas juste pensé à le tuer, il l'avait vendu aux autorités d'Akiva. Une vengeance entièrement légale.
Jour de veine.«
Je reviendrais quand il sera temps. Comment vont les autres ? »
«
Sara et moi dirigeons l'équipe. Tu lui manques. A Alcibiade aussi. Et Talia aussi. Et... »
«
Oui, et à vous aussi... si vous n'êtes pas plus original que ça, autant vous en allez hein. »
Le Sensei resta immobile... et s'en retourna de là où il était venu.
«
Non mais je déconnais, hey ! MAIS ME DONNEZ PAS UN VENT EN PRIME, putain ! »
Arène du Supplice,
Maintenant
Ambiance
Sa première action fut de se rouler complètement dans la neige pour s'en couvrir. Et pour le fun, il y laissa un ange de neige en agitant les bras et les jambes.
Je suis là pour le fun, bande de connards. Tuer ça m'éclate. Rentrez-vous ça dans le cigare. Ensuite il se leva vite fait et observa de ses yeux de loup le bout de l'arène. Le coco était à portée de vue et avait eu le temps de bouger pendant qu'Emsar faisait le guignol. S'il avait un Jetpack, ça se verrait d'office. Et lui laisser le soin de faire le premier pas lui laisserait le soin de faire la première erreur...
Emsar courut vers le bout de sa dune... et plongea, épaule la première, sur la pente, effectua une roulade maitrisée et se redressa sur un genou et un pied pour continuer de glisser, en position agenouillée. Sur la fin de la descente, il bondit d'un coup et atterrit juste derrière un pic de glace à la beauté translucide imparfaite. Emsar avait été malin : il avait chaussé des bottes d'hiver à crampons. Ses semelles étaient couvertes de piquants en duracier, et un coup de pied avait de quoi trancher une artère. Pour sûr, Emsar allait se régaler. Maintenant il devait jouer sur un terrain où le jetpack de machin ne serait d'aucune utilité : dans les crevasses souterraines. Emsar plongea vers une entrée de grotte de glace, manquant de glisser dans sa précipitation. Il fit un coucou à un éclat scintillant dans la glace - une caméra - et commença à arpenter les boyaux gelés sous l'arène.
Là où il aurait un avantage.