C’était désormais acté. Après un bref vote avant l’ouverture de la session annuelle du Conseil Impérial, deux nouveaux consuls avaient été votés. Le premier, Darvos Melius, est le chef du régiment de Yavvitri City, la capitale de Yaga Minor. Régiment qui est l’un des plus prestigieux et des mieux entraîné d’ailleurs. Ce qui correspond assez bien au fait qu’il ait pu aller jusqu’ici, bien que je ne connaisse de lui uniquement ce que l’on dit un peu partout. En bonne ex-agent des Renseignements Impériaux, je suis attentive, j’écoute et j’observe beaucoup. Comme lors de ce vote.
Vote qui m’a été très favorable, puisque j’ai été élu au profit du moff de Bandomeer, Trachta. Un impérial des premières heures lui aussi, et pour cela il a mon respect. D’autant plus qu’il s’est toujours avéré très bon gestionnaire et dirigeant. Et j’ai suivi de très près son parcours et ses actions, notamment parce qu’il est en lien étroit avec le directeur du Bureau de Sécurité Impériale.
C’est au fond ce qui importait beaucoup à l’issue de ce vote : qui du Bureau de Sécurité Impériale ou des Renseignements Impériaux l’emportait ? Car les enjeux sont très gros, autant en terme d’efficacité et de budget, qu’en terme d’autonomie et de marge de manoeuvre. Et finalement, je l’ai emporté. De très peu, je dois toutefois l’admettre.
Le plus drôle dans tout ça, c’est que nos positions et nos influences ont beaucoup joués dans nos propositions et joueront beaucoup dans nos avis et nos choix : étant en influence du Bureau de Sécurité Impériale, le moff Trachta était clairement pour une politique d’apaisement et de calme, de paix dans la mesure du possible. Quitte à s’en sortir à l’amiable sans arrangements de notre côté.
Chose que je refuse complètement. Depuis toujours, j’ai été élevé dans un Empire puissant, autant militairement que diplomatiquement, sans parler du domaine de la politique et de la sécurité intérieure. Aujourd’hui, nous avons réussi l’exploit de contenir la Nouvelle République et la très rapide dégradation interne. Mais nous pourrions aller plus loin.
Nos moyens, militaires et diplomatiques, sont densément importants. Nous avons réussi à récupérer et alimenter une très forte capacité de frappe, autant militaire et directe, qu’indirecte. C’est pourquoi je suis sûre et certaine qu’il nous faut continuer la lutte, la guerre totale et sous toutes ces formes, envers tout nos ennemis, jusqu’à leur capitulation sans conditions. C’est pourquoi je soutiens l’idéologie de la peur, voir même de la terreur, autant envers tout mouvement rebelle qu’envers tout ennemi extérieur. C’est pourquoi je soutiens la guerre, les invasions et les larges offensives spatiales, c’est pourquoi je soutiens la déstabilisation, les meurtres de masse, les massacres et les autres exactions. C’est pourquoi je soutiens une utilisation intensive de nos ressources, contre la Nouvelle République, ces alliés et les autres gouvernements ennemis.
Il est temps pour nous de mettre fin à cette politique d’attente et des bons sentiments que nous avons lancé. Il est temps de nous venger de nos humiliations, il est temps de nous battre, et de détruire tous nos ennemis, de l’intérieur comme de l’extérieur, par les moyens les plus loyaux comme les plus déloyaux.
Et pour cela, je le sais et c’est ce qui me confère une force incroyable : j’ai les Renseignements Impériaux. Renseignements Impériaux qui vont voir leurs pouvoirs et leurs possibilités décuplés par mon poste de Consule au Triumvirat. Renseignements Impériaux qui vont désormais être capable d’agir pour la politique étrangère impériale plus que jamais. Je l’avais prévu, j’en ai aujourd’hui les moyens : ils seront le fer de lance de la vaste reconquête impériale, une reconquête autant cruelle, sans pitié, qu’intelligente.
Mais pour l’heure, la session du Conseil Impérial doit retenir toute mon attention. Car voilà que le grand perdant de ce jour, le moff Trachta, se met à parler. Je note d’ailleurs que c’est le premier à parler, et qu’il est écouté et respecté. J’ai d’ors et déjà une idée pour lui, pour le mettre à ma botte. Nous y reviendrons plus tard.
Comme il est de coutume au Conseil Impérial, nous laissons chacun parler pleinement, avant d’avoir à son tour la parole, et ainsi de suite. Chose que j’apprécie particulièrement, puisqu’elle permet d’utiliser à merveille les dires de l’autre.
Ainsi, le moff Trachta expose sa théorie et ses idées concernant la ligne à adopter face au discours présidentiel de Leia Organa. Discours dont on m’a d’ailleurs permis de suivre en direct grâce à certains bijoux de technologies, dans le cadre de mon travail de directrice du renseignement.
Sans plus attendre, suivant l’ordre préétabli par le secrétaire du palais Triumviral, d’ailleurs présent, je prend parole une fois que le moff de Bandomeer termine.
« La parole à la Consule Isard. »
« Merci.
Tout d’abord, avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais remercier chacun d’entre-vous ici pour cette nomination. J’aimerais également féliciter mon collègue, le capitaine et consul Melius, pour sa nomination. Et enfin, j’aimerais féliciter chacun d’entre-vous, présents aujourd’hui, puisque pour beaucoup, il s’agit là de votre première séance au Conseil Impérial, et c’est aussi mon cas d’ailleurs.
Vient maintenant le sujet le plus important, le plus vital pour l’Empire. » Diantre que je déteste devoir parler autant…
« Avant même de partir sur les conséquences sociales qu’apporteraient la paix à l’Empire, j’aimerai revenir sur l’inauguration de cette session du sénat. Durant le discours de la chef d’état Organa d’Alderaan, il est clair que nous n’avons pas avons pas affaire à une demande de paix. Tout porte à croire qu’il ne s’agit que d’une tentative d’apaiser les pacifistes. Comment pourrait-on faire une demande de paix sur la base d’insultes diplomatiques graves, puisque nous constituerions apparemment un axe du mal, ou du moins ce qu’il y a de plus obscur dans la Galaxie. Comment pourrait-on envisager de répondre par la positive à une telle demande, si ce n’est en acceptant une très grave humiliation ?
Je pense que l’Empire, dans ses tentatives de refouler sans cesse les troubles et les attaques néo-républicaines, a suffisamment souffert d’humiliations hélas procurés par nos échecs. Humiliations qui ont trop bien profité à nos ennemis comme à nos dissidents, pour ne rappeler que les noms de Trador, Emsar ou Zannar.
Ne soyons pas dupes. La princesse Organa sait tout autant que nous que l’agitation gronde dans nos deux espaces respectifs. Les pacifistes plaisent de plus en plus, la guerre rend las et a déjà causé bon nombre de souffrances et de ravages. Il ne s’agit là que d’une manière de nous attaquer sur le plan diplomatique, puisque nous n’avons le choix que de répondre par la positive et d’être humilié, ou bien de répondre par la négative et d’être diabolisé. » Leia Organa n’était finalement pas si idiote que cela… Mais pas assez forte pour l’Empire.
« Il est certain qu’une paix serait profitable aux tensions que nous ne devons pas ignorer, sans pour autant nous en alarmer. C’est pourquoi je suis, tout comme le moff Trachta, pour la poursuite de la guerre. Elle permettra en effet de détourner les passions des problèmes internes, nous laissant un certain répit à la reconstruction, tout en nous permettant de nous renforcer.
Les moyens ne manquent pas, vous l’avez souligné Moff Conseiller. Ce qui manque, et c’est ironique je trouve, c’est avant tout et surtout l’activité de nos forces, et donc le moral de nos troupes et des foyers restés à l’arrière des fronts. Nos forces militaires n’ont pas, ces derniers mois, participé à autre chose que de petites escarmouches minimes. Alors que le secteur de Senex-Juvex est toujours enclavé dans un odieux blocus républicain ! Alors que la Fédération d’Eskyirt, avec qui nous sommes toujours en guerre, nous nargue ! Alors que le secteur Sullustéen et la corporation SoroSuub ose tenter de mener des attaques et des actions contre nos intérêts !
Je ne le cache pas, je suis partisane d’une guerre totale contre tous nos ennemis. Qu’il s’agisse de la Nouvelle République, comme de la Fédération d’Eskyirt, comme du secteur Sullustéen, comme de tout autre ennemi. Il n’y a pour moi aucune autre solution sur le long terme que la guerre et les victoires par le sang. » Une telle conviction et un tel comportement belliqueux risque d’en faire fuir plus d’un dans cette pièce, mais tant pis ! Autant être franche !
« Toutefois, je peux concevoir que nos forces militaires ont un grand besoin de consolidation et de renforcement. C’est pourquoi je pourrais envisager de soutenir une trêve militaire stratégique avec la Nouvelle République, sous certaines conditions qui me paraissent essentielles, et qui, je l’espère, correspondent également à votre vision des choses, moff Trachta : d’une part, le retour sous le giron impérial des mondes d’Eriadu, Corulag, Carida et Anaxes. En plus d’être symboliques, ils affichent un très fort taux de désir d’adhésion à l’Empire Galactique, et nous n’avons pas le droit, en honneur à nos principes et à l’Empereur comme l’Impératrice, de les abandonner. D’autre part, une trêve militaire ne saurait être envisagé si nous ne sommes pas en de bonnes conditions : à savoir, il nous faut gagner des points. Je préconiserais la destruction de nos deux autres ennemis majeurs : le secteur Sullustéen et la Fédération d’Eskyirt. Cela nous laisserait une marge de manoeuvre suffisante, empêcherait la Nouvelle République de nous demander de nous accorder également avec ces deux organisations régionales pour la paix. Enfin, une reconnaissance nette des actes impériaux pour le pays : que ce soit la tentative échouée du Haut Amiral Kiez, ou bien la trêve locale de Mrisst, ni l’une ni l’autre n’ont été reconnues comme des tentatives d’oeuvrer à la paix. C’est une insulte, que dis-je une humiliation, trop grave pour envisager, selon mon point de vue, l’arrêt des combats.
Ce sera tout pour moi. »