- mer. 2 janv. 2019 10:48
#34684
- La manœuvre de bascule arracha un hoquet de surprise à l’Arkanienne. Et la fatigue lui souffla un rire léger alors qu’elle appréciait le trait d’humour de l’Empereur. Dix secondes seulement. Non, c’était plus que cela, le temps s’était arrêté. Allongés au sol, sur l’un des nombreux tapis de la suite royale, ils étaient suspendus hors du temps. Ça aurait pu s’arrêter là, elle aurait pu s’endormir ainsi, dans ce cocon de niaiseries. Elle en avait besoin.
C’est la potentialité d’une ambiance musicale chaleureuse qui ranima Elizabeth. Elle se leva d’un bond et en quelques foulées gagna le bord de la pièce. Elle revint aussitôt, datapad de contrôle à la main, et intima à Harlon de la rejoindre sur le divan.
- « Qu’aimerais-tu écouter ? »
La Monarque présenta le petit écran à l’Humain. Il y avait de tout, il n’avait qu’à décider. Les enceintes invisibles dissimulées entre murs et plafond arrosaient la pièce des notes des morceaux choisis. L’Arkanienne avait trouvé sa place dans les bras de son ami, elle avait un accès direct à la télécommande musicale, et suggérait régulièrement de nouveaux titres. On en était rendu à converser du parti pris de la tonalité mineure de certains artistes contemporains pour l’expression des sentiments heureux. Ça n’intéressait personne. Ça intéressait Elizabeth.
Au hasard d’une pensée, un souvenir omis se rappela à l’Empereur.
- « Un cadeau ? Mais j’ai déjà eu une lanterne … Je viendrai demain. »
Elle se serra davantage contre lui.
- « Merci. »
Elle finit par s’endormir là, dans les bras d’Harlon, au détour d’un moment de non verbe profitable à l’écoute d’un arpège qu’elle appréciait particulièrement. Il fallut peut-être pour l’Humain jouer en peu des hanches et des coudes pour s’installer plus confortablement, à la fois assis et couché dans la longueur du divan.
La nuit avait filé d’un claquement de doigts. L’Empereur était reparti au petit matin. Sans élégance. Comme cette journée, cette soirée, cette nuit. La conférence de presse, la fête illicite, la sieste dans le salon. Ça manquait de classe, mais ça avait eu le mérite de faire passer à Elizabeth quelques instants magiques.
Elle avait terminé son petit déjeuner seule. Ou bien s’était remise à table après le départ d’Harlon. Songeuse. Elle réalisa alors qu’elle n’en pouvait plus. De cet endroit, de cette vaisselle, de cet excès de nationalisme qui voulait qu’elle ne consommât qu’arkanien. Dans un élan rebelle, elle fit jeter la fin du repas, la vaisselle avec. Elle regretta aussitôt la porcelaine et ordonna qu’on récupérât ce qu’il y avait à récupérer du service à thé. La suite ne fut qu’un long soupir, sa toilette qu’une lente expiration. Du shampooing jusqu’au laçage de ses bottes. Avant de sortir, elle se para de dédain, et se fit conduire à l’Ambassade impériale.Y avait-il d’autre ambassade sur Arkania ? Ah oui, une.
Alors qu’on avait annoncé la Monarque, celle-ci attendait que l’Empereur vint la saluer. Elle était curieuse, et discrètement gênée à la fois. Un autre cadeau. Elle était déjà comblée. Que pouvait-il lui offrir ?